David Kalfon Président Amaïka AM : "Ce qui compte c'est le rythme de hausse des taux, il sera plus faible qu'anticipé".
Stratégie et perspectives pour l'évolution de l'allocation d'actifs

28 octobre 2015 9 h 08 min
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La Réserve Fédérale américaine (FED) perturbe la vision des économistes et des investisseurs qui jusque-là pensaient pouvoir lire la stratégie sur les choix de politique monétaire.

Comment évolue la stratégie d’investissement dans ce contexte ? Quelles sont les opportunités ?

Mais aussi les risques.

Mon invité est David Kalfon Président Amaïka AM

 

Web TV www.labourseetlavie.com : David Kalfon, bonjour.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes président d’Amaïka AM. On va parler avec vous de marché et de perspectives sur ces marchés. On sent bien qu’il y a eu un changement de regard des investisseurs sur les marchés. On a vu un peu plus de volatilité, un peu plus de questions aussi sur notamment les politiques monétaires. Comment vous analysez vous ce mois d’octobre qui est un mois que n’aiment pas trop les boursiers ? Comment vous le voyez ?

David Kalfon – Président Amaïka AM : Pour le moment, il est plutôt sympathique ce mois d’octobre, parce qu’il nous donne l’occasion de reprendre un peu d’oxygène. On a eu un mois d’août, et surtout un mois de septembre, extrêmement stressé et stressant, beaucoup d’inquiétudes. Donc, on les connaît maintenant, des inquiétudes qui viennent de la Chine, inquiétudes dues aussi du fait de manque de visibilité de la FED. Et donc là maintenant, on commence à se concentrer sur des résultats d’entreprises et puis on commence à regarder un petit peu vers la fin de l’année sur ce qui peut se produire. Je pense que le grand changement qu’il y a eu vient véritablement de la FED. C’est-à-dire qu’avec Bernanke, on avait l’habitude d’une FED qui était extrêmement lisible. Elle nous donnait un calendrier. Pour les marchés, c’était même un peu trop. D’ailleurs, on a parlé de moral hazard, de cet aléa moral créé par la Banque Centrale qui donnait tellement de lisibilité que les investisseurs pouvaient se positionner tranquillement et quasiment gagner à coup sûr. Là, on a Mme Yellen qui se veut dépendante aux données économiques. C’est normal et c’est même très sain. En revanche, effectivement, ça brouille les pistes. Et donc, les marchés sont un peu plus secoués.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, puisqu’au début, on avait la même Banque Centrale, le même style de stratégie, une lisibilité et tout le monde disait « Janet Yellen est en train de faire la même chose que faisait Bernanke vis-à-vis des marchés ». Donc, au début, il y avait ce côté rassurant aussi de son début de présidence.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Oui, mais de toutes les manières, elle a toujours dit que s’il fallait choisir un côté, elle serait trop prudente et on l’a vu. On l’a vu lorsqu’elle a décidé de ne pas bouger ces taux d’intérêt. Tout le monde a dit « Ah ça y est, on a une FED, l’économie américaine ne va pas suffisamment bien, etc. » Il ne faut pas oublier une chose. En 1998, on a une économie américaine qui marche à 4 % par an. Donc, c’est beaucoup plus solide, beaucoup plus fort que ce qu’on a actuellement. 4 % par an, mais on a une crise des devises asiatiques. À l’automne, on a trois baisses de taux de la FED. Donc, ce n’est pas une première fois. On a tendance sur le marché à avoir la mémoire un peu courte, mais ce n’est pas la première fois que la FED regarde ce qu’il se passe sur les marchés émergents et décide d’intégrer ces données dans sa prise de décision. Donc après les décisions de la FED, ce n’est pas forcément que l’économie américaine va mal. C’est juste qu’elle n’a pas voulu rajouter de volatilité à des marchés qui étaient déjà extrêmement nerveux. Elle a voulu être trop gentille, ça a été mal interprété, et encore, deux réunions de la FED pour préciser cela, mais on sent que le rétropédalage est quand même un peu compliqué.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, en même temps, on se dit plus elle l’attend – et c’est ce que disent d’ailleurs certains commentateurs – plus elle attend, plus ça sera difficile pour elle et peut-être que même l’impact sera encore plus grand.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Oui et je pense que c’est pour ça qu’elle va se diriger vers une hausse des taux probablement fin décembre. Ce qui pourrait être un peu compliqué pour les marchés puisque, actuellement, ce que les marchés price, quand on regarde le marché des taux des futurs américains, il y a 30 % de probabilité d’une hausse des taux en décembre. Et tout le reste du marché est positionné pour plus tard en début 2016. C’est là, c’est une source de risque parce qu’effectivement, d’un côté, l’économie américaine va quand même mieux. Donc, c’est pour ça que lorsqu’on critique toutes ces banques centrales, il ne faut quand même pas oublier que la FED nous a donné un exemple brillant d’un interventionnisme extrême, mais qui a porté ses fruits. On a un chômage qui a baissé, on a une économie qui est entre 2 et 2,5. Ce n’est pas les 3,5 % qu’on a eus avant et dont on peut rêver, mais ce n’est quand même pas si mal. Donc, c’est vrai que tous les sceptiques qui disent « Oui, les banques centrales, ça ne marche pas ». Il faut quand même leur laisser le bénéfice de leur track records.

Web TV www.labourseetlavie.com : Si on revient de ce côté-ci de l’Atlantique, là, on a la Banque Centrale Européenne qui a l’air elle de se tenir prête à être encore plus active en fin d’année, effectivement sur son quantitative easing, donc de soutenir encore par ce biais les marchés.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Oui, je dirais que c’est surtout l’économie. Ce qui fait beaucoup peur à Mario Draghi c’est la rechute des anticipations d’inflation. On sait que c’est son grand cheval de bataille et il a raison puisque, autant l’inflation, battre l’inflation, les banques centrales savent le faire, c’est très facile. On monte les taux d’intérêt, l’inflation retombe. Ça, c’est très simple. Sortir de la déflation : beaucoup plus compliqué. Le Japon, le débat est encore ouvert. Ils ont l’air de commencer à s’en sortir, mais après des années et des années de marasme et l’épisode précédent de déflation malheureusement s’est terminé par une guerre mondiale. Donc, c’est quelque chose qu’on n’a pas du tout envie d’expérimenter. Donc, c’est pour cela que la déflation, la baisse de l’inflation est quelque chose de très préoccupant. C’est pour cela aussi qu’on a affaire à une banque centrale en Europe qui est extrêmement déterminée. Mario Draghi nous l’a montré dès 2012. Lorsqu’il dit « Whatever it takes », il va tout ce qu’il faut. Je pense que ce niveau de détermination, il ne faut pas le sous-estimer.

Web TV www.labourseetlavie.com : On parlait de l’impact de la hausse de taux de la FED, si elle le faisait. On sait bien que l’impact, ça serait d’abord sur les marchés émergents sans doute. Ces marchés émergents dont aujourd’hui on se pose beaucoup de questions. Effectivement, entre le ralentissement de la Chine, le Brésil qui est en récession, les marchés émergents aujourd’hui, ce n’est plus ce que c’était. Même pour un investisseur qui prendrait des risques, là il y a quand même beaucoup de questions.

David Kalfon – Président Amaïka AM : En effet, surtout au niveau des valorisations de ces marchés qui ont été déprimés. Ça fait maintenant trois ans que ces marchés sous-performent de manière extrêmement notable. Ce qu’il faut voir aussi, c’est que les perspectives bénéficiaires de ces marchés ont beaucoup baissé. Donc malheureusement, ils ne sont pas aussi peu chers qu’on voudrait le croire, parce que les perspectives de bénéfice ont baissé. Maintenant ce qui est intéressant, c’est de voir ce qui s’est passé à la réunion de Lima. Les marchés émergents ont quasiment appelé à une hausse des taux. Ils ont dit « En fait, ce qui nous fait du mal, c’est l’incertitude. Donc, faisons la hausse. Tout le monde s’y attend, elle est annoncée, elle est bien télégraphiée, on y est prêt, mais débarrassons-nous de ce premier mouvement ». Et c’est vrai que rien ne fait plus mal au marché que le manque de visibilité, l’incertitude. Je pense que c’est de cela que nous souffrons actuellement beaucoup plus que d’une situation catastrophique. On le lit encore dans le résultat des entreprises. Je regardais les résultats de Carrefour ce matin. Finalement au Brésil, ça ne va pas si mal que ça. Ça ralentit, mais ce n’est pas un effondrement. En Chine pareil, ça ralentit, ce n’est pas un effondrement. Et c’est un petit peu le message qu’on a d’un peu partout. C’est qu’effectivement, ce n’est pas flamboyant, mais ce n’est pas la catastrophe.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin. Il y a toujours ce point d’interrogation. Alors peut-être là, ce n’est plus 1998, c’est 1994 avec ce krach obligataire qui avait effectivement fait beaucoup de mal aux investisseurs. Se dire finalement là, est-ce qu’on ne va pas arriver à ce type de scénario à force d’avoir « tergiversé » sur cette politique monétaire et que les investisseurs, quand on a vu les flux du mois d’août, on se dit… Donc, est-ce qu’on peut avoir ce scénario noir, se préparer à ce scénario-là ou pas ?

David Kalfon – Président Amaïka AM : Alors, je crois que c’est assez extrême parce que finalement, on a une FED qui a déjà annoncé qu’elle serait beaucoup plus lente dans son cycle de remontée des taux. Ils ont tout de suite écarté le fameux 25 points de base à chaque réunion. Ils ont tout de suite dit « Ça non, on ne le fera pas ». Donc, je crois que ce qui est important pour eux, c’est d’enclencher le mouvement, de même qu’on disait que la FED ne serait pas capable de terminer son quantitative easing. On s’en souvient, c’était il n’y a pas si longtemps. Finalement, ils en sont sortis. Là, maintenant, on dit « Ils ne seront pas capables de sortir de la politique de taux zéro ». Je ne le crois pas. Donc, je crois qu’on va avoir une hausse des taux, décembre, peut-être un peu plus tard. Mais en tous les cas, nous allons la voir et le rythme, parce que c’est ça qui compte le plus, ce n’est pas tant la première date, c’est le rythme auquel ces taux vont augmenter, je pense que le rythme va être beaucoup plus faible que ce que le marché anticipe. Et c’est ce qui devrait nous rassurer un petit peu.

Web TV www.labourseetlavie.com : Bien. On suivra ça. Merci d’avoir fait le point avec nous David Kalfon.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Merci.

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