Benjamin Melman Directeur Allocation d'Actifs Edmond de Rothschild Asset Management :"La notion de resserrement des taux de la Fed n'est pas très bien pricée".
Fed et BCE à la manoeuvre conséquences pour l'allocation d'actifs

4 octobre 2014 20 h 26 min
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Bourse : Fed et BCE à la manoeuvre conséquences pour l’allocation d’actifs dans un calendrier sui se précise.

La Réserve Fédérale est au coeur des attentes mais aussi des anticipations des investisseurs, jusqu’à quel point ont-ils raison ?

Nous parlons d’allocation d’actifs avec mon invité Benjamin Melman Directeur Allocation d’Actifs et DEttes Souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management 

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Benjamin Melman, bonjour. Vous êtes directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management. On va parler avec vous de stratégie sur ces marchés financiers. Qu’est-ce que vous regardez, je dirais, en priorité aujourd’hui sur ce qui se passe ? On pense à la politique monétaire forcément, aux banques centrales, mais qu’est-ce qui vous intéresse le plus en ce moment ? Sur quoi vous êtes vigilant ?

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : Le point que vous avez mentionné, à savoir la politique monétaire, et plus précisément la politique monétaire américaine, nous semble très important. Pourquoi ce point est important ? C’est que, c’est un secret de polichinelle, l’économie américaine va bien, elle va même beaucoup mieux, et là, on commence à avoir des vrais signes de reprise et on sait que la Réserve fédérale devrait, va remonter ses taux l’an prochain, avec un timing qui lui appartient, mais c’est quelque chose qui est vraiment important. Or c’est vrai que dans le rallye que l’on a connu depuis 2009 maintenant, qui est un long rallye, ce paramètre qui a été « la Réserve fédérale est généreuse, elle inonde le marché de liquidités, elle gardera les taux bas très longtemps » est en train de change. Et ce qui nous dérange un petit peu aujourd’hui, c’est que quand on regarde ce que price la partie courte de la courbe des taux, on s’aperçoit que la notion de resserrement des taux de la Réserve fédérale n’est pas très bien pricée. Et c’est vrai qu’historiquement ce type de mouvement, surtout après le mouvement que l’on a connu depuis 2009 où cela a été un rallye avec une très faible volatilité, peut chahuter les marchés. Donc c’est vrai que la Réserve fédérale aujourd’hui est un élément important, pour nous un facteur de volatilité plus à court terme que de moyen terme, mais c’est quelque chose à surveiller. Évidemment les autres paramètres que nous surveillons, c’est la dynamique de l’économie mondiale et l’énigme de l’Europe c’est-à-dire qu’en Europe on s’aperçoit qu’il y a une Europe, non plus à deux vitesses, mais à trois vitesses, grosso modo une Europe des pays qui ont réformé, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal, qui vont très bien, ils partaient de loin parce qu’ils avaient connu une sévère récession, mais ces pays ignorent le ralentissement en cours qui est aujourd’hui en Europe. Vous avez un gros bloc qui pèse lourd, c’est la France et l’Italie qui est un pays qui est en retard dans les réformes et dans l’amélioration de la compétitivité qui souffre actuellement. Et puis vous avez l’autre gros poids-lourds de l’Europe, c’est l’Allemagne qui, un peu la surprise, semble beaucoup plus souffrir que ce que l’on imaginait des événements ukrainiens et qui, depuis l’histoire ukrainienne, semble perdre confiance, tant du côté des industriels, mais également du côté des consommateurs, alors même qu’il y a le plein emploi en Allemagne et des salaires qui augmentent très sensiblement pour la première fois depuis bien longtemps.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc cela donne vraiment deux zones dans des situations très différentes avec une politique monétaire, effectivement, qui ne va pas aller dans le même sens. Si on revient sur la partie américaine, est-ce qu’il ne peut pas y avoir justement peut-être une mauvaise surprise pour les investisseurs ? On l’a eue par le passé, alors ce sont peut-être les vieux boursiers qui sont plus prudents que les autres, mais c’est déjà arrivé c’est-à-dire que ce côté pilotage… certes on pilote, on pilote, mais il y a un moment donné où il y a aussi le comportement, la psychologie des investisseurs ?

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : Oui, tout à fait, c’est effectivement cette psychologie qui peut être altérée, notamment par rapport à ce que l’on disait, par rapport au changement de comportement de la Réserve fédérale. On sait que la Réserve fédérale à communiquer sur des craintes de bulles, bulles sur certains segments du marché du crédit aux États-Unis, bulles sur certains segments du marché boursier, et à partir du moment où une banque centrale donne le signal, et la Réserve fédérale nous le dit tous les jours c’est-à-dire que, dans son resserrement, il y a aussi, pour la première fois, la volonté de contenir une bulle. En même temps, on sait très bien qu’une banque centrale qui veut s’attaquer à une bulle, c’est potentiellement dangereux, et par rapport à la psychologie que vous évoquiez tout à l’heure, cela peut altérer la psychologie et changer effectivement les comportements et créer un peu plus de volatilité. Après tout, la volatilité a été très faible jusqu’ici, ce ne serait pas complètement choquant que l’on ait un peu plus de volatilité, mais on reste positif sur les actifs risqués d’une façon générale, un peu moins positif, on réduit un petit peu la voilure, dans l’idée que l’on pourrait rentrer prochainement dans une phase un peu plus turbulente, notamment pour les raisons de Réserve fédérale, mais également toujours d’inquiétude latente et persistante sur la dynamique de l’économie chinoise qui reste un autre grand paramètre, une grosse inconnue dans la sphère mondiale.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que du côté des entreprises qui sont donc dans cet environnement-là, il y a eu quelque part peut-être pour les investisseurs… les investisseurs ont été confortés par finalement les résultats des entreprises jusqu’à présent en tout cas ?

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : Alors, si vous parlez des États-Unis, oui où effectivement les résultats ont toujours été en phase. Il faut quand même avoir conscience dans le fait que la croissance des résultats était liée, certes, à la meilleure croissance qu’il y a aujourd’hui aux États-Unis, mais également à un releveraging d’entreprises qui se lancent massivement dans des share buybacks, donc quelque part les bénéfices aux États-Unis ont été flattés.

Web TV www.labourseetlavie.com : Les rachats d’actions, il y a eu beaucoup de rachat d’actions.

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : Il y a eu beaucoup de rachats d’actions qui ont amélioré de façon un peu faciale l’évolution des earning per share, donc des bénéfices par action. En revanche, en Europe, on ne peut pas dire que l’on était surpris désagréablement, mais non plus surpris positivement par les résultats. On est quand même depuis pas mal de temps dans une phase de révision négative d’estimation des résultats. Pour nous, malgré tout sur l’Europe, on arrive à la fin de cette période-là. Ce qui nous rassure par rapport à la dynamique des profits en Europe, c’est que, oui, on en a parlé tout à l’heure, il y a quand même pas mal d’incertitudes sur cette économie européenne à trois vitesses dont on parlait tout à l’heure et de cette économie allemande qui souffre un peu plus. Mais, a contrario, si cette économie américaine repart, on parlait de l’accent sur la Réserve fédérale, alors il y aura des effets bénéfiques à attendre sur l’Europe. En général il y a un retard de six à neuf mois de l’économie européenne par rapport à l’économie américaine. Après tout, cette économie américaine n’accélère que depuis pas très longtemps.

Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a aussi cet effet… d’ailleurs certains investisseurs y pensent en ce moment, effet dollar bien sûr par rapport à l’euro, donc il y a certains investisseurs qui disent : « finalement, des valeurs dollars, se mettre sur des valeurs dollars qui vont profiter de cette appréciation du dollar par rapport à l’euro, c’est aussi un axe d’investissement ? »

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : C’est effectivement l’un des thèmes de nos placements qui visent, pas toujours, cela dépend évidemment, on raisonne valeur par valeur, mais effectivement à regarder avec plus d’intérêt les valeurs dollars. Il y a une telle divergence en termes des deux grandes banques centrales, Réserve fédérale et BCE, de part et d’autre, que ce ne serait pas étonnant que le dollar s’apprécie davantage et que ces valeurs européennes bénéficient des deux effets cités, c’est-à-dire d’une amélioration mondiale via les États-Unis, et puis de ce renforcement du dollar, c’est indéniablement un thème.

Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a aussi le marché japonais. On sait que quand il y a eu ces changements de politique économique, il y a beaucoup d’investisseurs qui se sont faits finalement surprendre par ce qui s’est passé à l’époque, là on a récemment effectivement les sujets sur la hausse de la TVA, pour l’investisseur, sur les marchés japonais, quel type de stratégie est proposé ?

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : Nous on aime bien les marchés japonais. Étant donné la volatilité et la spécificité du marché japonais, en toute honnêteté on ne sera jamais lourd dans notre portefeuille sur le Japon, mais on pense qu’investir une petite partie de son portefeuille sur les actions japonaises fait sens, fait sens pour plusieurs raisons. La première, c’est que quand on regarde finalement le résultat de l’Abenomics qui a été salué d’abord, puis un peu décrié par la suite, ce que l’on commence à voir, ce sont les premiers résultats. Les premiers résultats, c’est que les salaires commencent à repartir au Japon, ça c’est un point qui est important. Et deuxièmement, même si l’économie a du mal à absorber la hausse de la TVA, c’est surtout le consommateur qui n’aime pas du tout, tout ce qui relève de l’investissement des entreprises au Japon, qui est un élément très important pour créer une dynamique autoentretenue, semble se réveiller, et ces deux paramètres-là nous rassurent. Vous parliez de la hausse de la TVA, il y en a eu une cette année, il y en aura une autre l’an prochain, et ce qui a été intéressant, cela a été les propos du ministre des finances cette semaine, qui a précisé que ce serait intelligent d’envisager une coordination entre la banque du Japon et le gouvernement pour, d’un côté, faire vraiment cette hausse de la TVA et remettre un peu d’ordre dans les finances publiques qui sont dans un état déplorable, mais de l’autre côté, utiliser les capacités de la banque du Japon qui peuvent être fortes, voire illimitées, pour contrer les effets négatifs de cet effet de la hausse de la TVA, et ce qui est vrai, c’est que la baisse du yen a été un élément très, très favorable au redressement des marchés japonais. Là où nous même nous faisons de la gestion diversifiée, et ce qui est vrai, c’est que quand nous achetons les actions japonaises, nous couvrons le risque de change parce que on est intéressé par la performance de l’indice japonais, pas par l’évolution du yen.

Web TV www.labourseetlavie.com : Mot de la fin, peut-être plus rapidement sur la partie Emergents, est-ce qu’il y a des choses, des paris sur les pays émergents ?

Benjamin Melman, directeur de l’allocation d’actifs et des dettes souveraines chez Edmond de Rothschild Asset Management : Sur les pays émergents, d’une façon générale sur la classe d’actifs qui est une grande classe d’actifs et qui relève de beaucoup de diversité, on est neutre aujourd’hui. Alors, cette neutralité, elle est liée au fait que quand la Réserve fédérale s’apprête à remonter les taux, ce n’est jamais bon pour les actifs émergents d’une façon générale et d’ailleurs, depuis quelques jours, on sent que ces actifs sont un peu moins en forme depuis quelques semaines. Par ailleurs, il y a toujours cette incertitude sur l’économie chinoise que l’on a du mal nous-mêmes à résoudre et qui fait qu’objectivement le risque est plus important. Après, il y a des cas spécifiques. Donc on aime toujours les actions indiennes par exemple, en dépit du rallye absolument phénoménal qui a lieu cette année parce que si, effectivement Modi arrive à faire passer sa réforme, à redresser cette économie indienne, alors il y a encore un potentiel de redressement de cette bourse, qui était très déprimée, qui nous semble important. On regarde le Brésil aussi avec beaucoup d’intérêt. Les élections sont pour bientôt, les sondages sont très serrés. Évidemment il y a un candidat qui serait très en faveur de l’économie et de la bourse brésilienne, l’autre en défaveur, donc c’est toujours dangereux de se positionner sur les résultats politiques, on a vu avec le référendum écossais que l’on pouvait vraiment se faire très peur sur ce type de sondage, mais on regarde le marché brésilien avec, on va dire, un peu plus d’intérêt qu’il y a quelques semaines.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci, Benjamin Melman, d’avoir été avec nous.

 

Copyright Tous droits réservés www.labourseetlavie.com 04/10/2014.

 

 

 

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