Ronan Blanc Gérant Quilvest Gestion : "La BCE cherche à tout prix à se démarquer de ce que fait la FED".
Taux - Marchés obligataires : Stratégie et perspectives

30 septembre 2014 18 h 29 min
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Taux – Marchés obligataires : Stratégie et perspectives autour de la politique monétaire de la Fed et de la BCE.

Fed et BCE sont toujours à la manoeuvre pour donner le la aux marchés. Mas les deux zones Etats-Unis et Europe ne sont pas dans le même rythme économique.

Ces contradictions donnent une vision particulière des marchés avec une baisse de l’euro.

Mon invité pour parler de ces marchés est Ronan Blanc Gérant Quilvest Gestion

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Ronan Blanc, bonjour. Vous êtes gérant, spécialiste des taux chez Quilvest Gestion. On va parler avec vous de stratégie sur ces marchés obligataires. On commence bien entendu par la politique monétaire. Si on commence par l’Europe peut-être où on a encore entendu sur une radio périphérique ce matin Mario Draghi dire que les taux allaient rester bas pour une période assez longue, est-ce que les dernières déclarations, les derniers mouvements de la Banque centrale européenne… ? Comment ils ont été interprétés finalement par les marchés ?

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : En fait la BCE cherche à tout prix à se démarquer de ce que fait la Réserve fédérale. Aujourd’hui, on a les grandes banques centrales qui sont sur des trajectoires différentes, et dans le cas de la Fed et de la BCE, des trajectoires complètement opposées. On sait que la Fed prépare le terrain d’un futur resserrement monétaire qui est plutôt à voir comme une bonne nouvelle dans la mesure où l’économie américaine a gagné en puissance et a retrouvé son rôle de moteur de l’économie mondiale, et l’Europe malheureusement est dans une situation diamétralement opposée avec une Banque centrale qui cherche à tout prix à éviter que la zone ne replonge en récession. Donc en étant très vocable, la BCE cherche à se démarquer de ce que fait la Fed et, je le disais, à éviter d’importer ce resserrement monétaire qui pourrait coûter très cher à une zone qui aujourd’hui est toujours en phase de convalescence. Mais le vrai problème de l’Europe aujourd’hui, ce n’est pas un problème d’offres, c’est un problème de demandes. Il est difficile de simuler la demande intérieure via des opérations de quantitative easing comme on aime à l’appeler en zone euro, et ce sont finalement des opérations qui ne marchent pas vraiment. Preuve en est, la dernière opération de LTRO ciblée de la BCE a été assez décevante et la demande a été relativement modérée. Donc finalement, Mario Draghi, par cette communication, cherche à accentuer la baisse de l’euro, donc un stimuli, une voie détournée, pour essayer de redresser les anticipations d’inflation et essayer de casser cette dynamique et cette spirale déflationniste.

Web TV www.labourseetlavie.com : Là, on peut dire que de ce côté-là, cela a marché. On peut dire en tout cas qu’il y a eu ce mouvement de baisse de l’euro depuis maintenant quelques temps.

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : Oui, il est à la manœuvre et pour l’instant il manœuvre relativement bien avec des moyens qui ne sont pas illimités. C’est vrai qu’il y a beaucoup de comparaison avec les politiques quantitatives qui ont été menées par les banques centrales anglo-saxonnes, mais il ne faut pas s’y tromper, la BCE pratique une politique qui est différente. Beaucoup de maisons poussent pour voir la BCE acheter des emprunts d’État de manière massive. Il faut bien avoir en tête que les Allemands y resteront opposés et si ce déploiement devait arriver, cela arriverait de toute manière dans des conditions économiques largement plus exécrables qu’elles ne le sont aujourd’hui. Maintenant, il ne faut pas oublier non plus que l’économie américaine est aujourd’hui sur de bons rails et aura sans doute un effet d’entraînement pour la zone euro, espérons-le, l’année prochaine.

Web TV www.labourseetlavie.com : De ce point de vue-là, il y a un vrai débat. On peut dire qu’il y a des investisseurs, on peut dire majoritairement effectivement qui suivent le tableau de la Fed en disant « printemps 2015, hausse de taux », il y a quelques minoritaires pour l’instant qui commencent à dire que cela pourrait être plutôt, que cela pourrait ne pas être comme prévu, est-ce que là-dessus vous « suivez » non pas aveuglement, mais vous suivez la Fed ou vous vous posez des questions ?

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : On fait partie de l’école où il vaut mieux agir plus tôt que trop tard pour la bonne et simple raison qu’en préparant en amont les marchés et en voyant les investisseurs finalement s’ajuster à ce scénario de resserrement monétaire, cela permet à la Fed de jauger l’impact sur l’économie réelle de son futur resserrement avant même qu’il arrive. Donc quelque part elle va, en jargon obligataire, piloter un petit peu la courbe en favorisant l’aplatissement c’est-à-dire une remontée des taux courts et des taux longs qui remontent, mais beaucoup moins vite, ce qui finalement serait un scénario idéal pour l’économie américaine et l’accompagnerait dans sa phase de reprise. Aujourd’hui, les investisseurs, en règle générale, n’y croient toujours pas pour la bonne et simple raison que l’on a et une de nombreux faux départs dans le passé en termes de croissance, beaucoup de déceptions, mais aujourd’hui, comme disent les Anglo-Saxons, nous on pense que la situation est différente. Et donc, on pense véritablement que la Fed devrait amorcer un premier mouvement de resserrement monétaire d’ici le premier trimestre de l’année prochaine et de manière beaucoup moins progressive qu’on ne l’imagine. Aujourd’hui, l’économie américaine est armée pour encaisser ce mini choc monétaire, que ce soit du côté des entreprises ou du côté des ménages.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que les marchés, eux, sont vraiment protégés ? On se souvient de l’historique sur les marchés obligataires et il y a toujours des acteurs, pour l’instant minoritaires, mais qui disent « on ne pourra pas éviter un krach obligataire » vu les montants finalement qui ont été mis sur ces marchés ?

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : Alors, il faut bien aussi avoir en tête que resserrer les taux, c’est ré-aiguiller les flux d’investissement aussi vers la zone dollar. Donc, quelque part, la Fed en limitant ses achats de dette souveraine qu’elle fait maintenant depuis un an, on a un début de substitution avec des rendements qui vont avoir tendance à monter et à attirer de nouveaux capitaux, des capitaux qui pourraient d’ailleurs être pris de la zone euro, et c’est un petit peu ce que l’on voit en ce moment sur les marchés. Donc finalement c’est un mal pour un bien. Ce n’est pas un jeu à somme nulle, mais procéder ainsi et bien préparer en amont les marchés à ce resserrement monétaire que l’on attend maintenant pour le début de l’année prochaine, c’est aussi un moyen de réorienter les flux d’épargne avec des gros acteurs type banques centrales asiatiques qui pourraient continuer à acheter des treasuries en retrouvant un petit peu le rendement qu’elles n’ont pas aujourd’hui.

Web TV www.labourseetlavie.com : Sur l’évolution de la stratégie, justement on a vu par exemple les taux sur les pays périphériques en Europe effectivement nettement diminuer, quelle est justement la stratégie dans la zone euro en tout cas ?

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : Sur la partie obligataire, on ne peut pas évoluer indépendamment de ce qui se passe aux États-Unis. Donc il y aura quand même un effet d’entraînement sur la partie Dette souveraine, et ce que l’on a vu ces derniers mois, c’est une convergence généralisée de tous les taux européens. Aujourd’hui on pense que l’on arrive à un point bas, le spectre de la déflation reste présent mais c’est un scénario qui pour le moment… que l’on écarte, et finalement, en termes de valeurs, il y a peu d’attrait à continuer à investir sur les dettes souveraines, que ce soit des pays cœur ou des pays périphériques. Donc on aura sans doute dans les prochains mois un mouvement concomitant de hausse des rendements des pays cœur et des rendements des pays périphériques. Sur la partie crédit, qui est un gros marché aujourd’hui en zone euro, on a un petit peu un marché qui était en sens unique avec un rapport de force entre actionnaires et créanciers, les capitaux basculaient du côté des actionnaires, donc un appétit un petit peu moindre, et donc, là encore, il faut être un petit peu vigilant. Il y a beaucoup d’émetteurs de notation simple B, donc de petites entreprises qui généralement sont très sensibles à la conjoncture européenne et qui finalement offrent assez peu d’attrait dans le contexte de faible croissance que l’on connaît. Donc c’est plutôt une poche que l’on aurait tendance à écarter en ciblant plutôt la catégorie supérieure d’entreprises mieux diversifiées, et donc plus à même d’encaisser une croissance durablement faible sur la zone euro.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est… je dirais, il faut se préparer à des mouvements peut-être un peu plus brutaux sur ces marchés dans les prochains mois ?

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : À partir du moment où la direction est donnée à la hausse des taux, c’est vrai que l’on ait eu un écrasement des valorisations avec une corrélation très forte entre les différentes classes d’actifs, et cette corrélation, elle marche aussi dans les deux sens. Donc quelque part, voilà, on a en ce moment cette première phase d’ajustement avec finalement, il ne faut pas oublier sur la partie crédit, une liquidité qui est primordiale et qui aujourd’hui s’est un petit peu tarie avec des banques qui assurent beaucoup moins la liquidité que par le passé.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Ronan Blanc d’avoir été avec nous.

Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion : Merci à vous.

 

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