Gérard Moulin Responsable des Actions européennes Amplégest : "Les pressions déflationnistes sont importantes".
Après la BCE, regard sur les marchés et les valeurs européennes

28 janvier 2015 14 h 35 min
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Après la BCE, regard sur les marchés et les valeurs européennes.

La BCE a sorti son QE “Quantitative Easing” pour relancer l’économie de la zone euro. Cela sera-t-il suffisant ? Quel impact sur les valeurs européennes ? La BNS qui au mois de janvier s’est aussi illustrée, elle par l’abandon d’un plancher € /Franc Suisse, a douché certains investisseurs avec la flambée du Franc Suisse.

Nous parlons des valeurs européennes avec mon invité Gérard Moulin Responsable des Actions européennes Amplégest. 

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Gérard Moulin, bonjour. Vous êtes responsable des actions européennes chez Amplegest. On va parler avec vous de ces marchés européens justement. On sent les investisseurs focalisés sur ce qui se passe bien sûr sur la Banque centrale européenne, mais on pourrait dire qu’ils sont focalisés aussi sur la Réserve fédérale américaine, sur ces politiques monétaires. Quand on est investisseur comme vous, on est obligé de tenir compte de ce facteur banque centrale, politique monétaire ?

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : Je pense que ce qui est important quand on est investisseur, c’est d’avoir une méthode de gestion et de s’y tenir. Donc, pour ce qui nous concerne, on a une méthode très claire depuis bien longtemps et nous nous y tenons. Là où cela joue, par contre, c’est sur la gestion des pondérations c’est-à-dire qu’en fait, depuis l’été dernier, on est très pondéré en valeur dollar et bien nous en a pris puisque l’on a fait 1,39 à 1,15, donc on le voit nettement dans les perspectives de ces entreprises maintenant, voilà. Donc c’est en ce sens, on en tient compte. Sur les parties cash, pas énormément puisque ce sont des produits longs terme, donc c’est vrai que l’on est plutôt cash quand même par rapport à un historique, on a 8 % de cash en général chez nous en ce moment tandis que il nous arrive, quand tout est plus clair, de faire 1 ou 2 % de cash seulement.

Web TV www.labourseetlavie.com : Qu’est-ce qui justement justifie cela pour vous ? C’est la valorisation des marchés ou c’est l’interrogation sur la croissance ? C’est quoi le facteur qui peut-être vous fait être plus prudent ?

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : C’est que l’on a un mois de janvier comme assez incroyable. On a eu un événement dramatique à Paris, ensuite on a eu l’histoire de la BNS en Suisse qui nous est arrivée comme cela d’un seul coup, et puis on a deux événements à venir, la BCE et les élections grecques. Donc en un mois, on a déjà parfois plus qu’en une année, donc vous comprendrez que dans ce cadre-là on pense que l’on aura d’autres opportunités. En plus, cela vient au moment où le timing est assez parfait pour avoir un peu plus de cash parce que l’on va tout juste attaquer les publications. Et comme on est dans un moment un peu de rupture avec pétrole et devises qui jouent, comme vous le savez, fortement en ce moment, positivement en plus pour les européennes, je crois que c’est pas mal pour toutes ces raisons d’être quand même investi, mais d’avoir des réserves.

Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait avoir de bonnes surprises. C’est vrai que l’on se pose la question depuis maintenant plusieurs mois pour les entreprises européennes, à savoir celles qui finalement bénéficié, soit de la baisse massive du pétrole, soit effectivement de cette envolée du dollar par rapport à leurs concurrents, par exemple ?

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : Nous, pour vous donner une idée, on est dans la phase la plus concentrée du fonds qu’il n’est jamais eu. Moi, cela fait 12 ans que je suis sur ce portefeuille modèle, on a aujourd’hui seulement 23 lignes dans le fonds, un fonds qui fait plus de 100 millions. Donc cela veut dire vraiment, on a peu de sociétés qui ont du pricing power, qui ont une capacité à fixer leurs prix. Cela ne m’inquiète pas du tout. Parfois on me dit : « Mais est-ce que ce n’est pas une prise de risque ? » C’est tout le contraire, c’est le fait d’être très, très concentré, d’être très exigeant dans notre méthode de sélection. Et pour répondre à votre question, je pense que le pétrole et les monnaies ne changeront pas les histoires, les histoires d’investissement sur 10 ans sont les mêmes, c’est de la destruction de valeur sur les télécoms, c’est de la destruction de valeur sur la pharmacie, et moi je préfère accompagner des groupes qui savent être toujours devant, il faut regarder évidemment la valorisation, mais je crois que cela va améliorer les choses. Je vois un titre comme Schneider qui explose tout en ce moment à la hausse parce que valeur dollar, mais enfin Schneider, c’est quand même des pressions sur les marges maintenant depuis des années, c’est une difficulté à convaincre d’une façon générale sur la pérennité de la croissance protégée, c’est un groupe extrêmement bien géré et très technique, mais le problème, c’est la fixation des prix comme d’habitude, encore un cas… Voilà. Je vois Michelin aussi qui profite du dollar mais Michelin, c’était un profit warning, c’est comme d’ailleurs Goodyear et Continental sur la partie Pneus. Donc tout cela, si vous voulez, il faut faire très attention, on essaie d’habiller la mariée mais, derrière, on ne triche pas.

Web TV www.labourseetlavie.com : Quelque part ne pas tenir compte seulement de ces mouvements-là et aller regarder véritablement ce qu’il y a derrière une hausse de… ce serait trop facile de jouer une hausse du dollar et de dire « Voilà, on ne va prendre que les valeurs dollars ». Dans le lot, il y en aura qui ne seront pas aussi performantes que cela ?

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : Exactement parce qu’en plus elles n’ont pas trop intérêt à embarquer le marché vers des résultats qui seraient pérennes grâce à cet effet-là parce qu’elles vont imprimer un niveau de base très élevé et donc, si sur la devise cela se passe ne serait-ce que constant c’est-à-dire que l’on maintient par exemple une parité, moi je pense que l’on va aller rapidement à la parité euro dollars d’ici quelques mois,, donc si on maintient cela, ce ne sera plus un effet de base favorable et du coup il faut faire très attention à ne pas embarquer le marché vers des choses qui auront été, dont on jugera a posteriori qu’elles étaient exceptionnelles.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est vrai que le contexte européen reste difficile macro-économique, on n’en attend pas cette année de spectaculaire rebond, en tout cas sur le plan économique, il y a des entreprises qui se distinguent toujours dans ces périodes-là ? C’est peut-être le paradoxe de cette crise où effectivement il n’y a pas de croissance ou très peu de croissance et on voit sur les résultats des entreprises, alors on n’a pas encore les publications de l’exercice complet mais on a vu les chiffres d’affaires déjà, on se dit qu’elles ne s’en sortent pas si mal, il y a des entreprises européennes qui s’en sortent pas mal ?

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : Alors, de l’autre côté de l’Atlantique, ce sont les entreprises américaines qui s’en sortent très bien puisque l’on a 72 % à peu près de bonnes surprises. Du côté européen, on s’en sort bien, cela dépend comment on voit les choses. On s’en sort bien au niveau des débouchés, au niveau du chiffre d’affaires. Moi le problème que je constate, c’est à nouveau une guerre des prix permanente et qui ne va se relâcher, pour une raison très simple, c’est que comme on est sur une question de surendettement en Europe… regardez la grande distribution avec le pétrole par exemple, le pétrole, les grands de la distribution redonnent les gains aux clients et ne les garde pas pour eux,. Donc Leclerc, Carrefour ou autres qui vendent de l’essence aussi disent : « On ne peut pas trop le garder pour nous, on leur redonne aux clients ». Donc on a à nouveau, même quand cela va mieux, c’est un peu ce que je disais il y a deux minutes, c’est qu’en fait, même quand cela va mieux, on voit toujours qu’il y a c’est hyper concurrence qui est là. Et qu’est-ce qui se passe quand il y a du surendettement ? Cela, je crois qu’on ne le dit pas assez, c’est que l’on se pose la question de la déflation, mais la déflation, elle est certaine pour une raison très simple, c’est que… regardez les ménages ou les entreprises, quand vous êtes matraqués, comme on l’est en France, par les impôts, qu’est-ce que vous faites ? Vous faites une revue régulière de tout votre budget, ménage, entreprise, etc., constamment. Donc de toute façon, le fait d’être surendetté amène de la déflation parce que cela amène la comparaison et cela vient en plus au moment où le Net explose, où c’est 15, 20 % par an de plus d’achats sur le Net en Occident en général, et en France aussi, donc tout cela, c’est forcément déflationniste, forcément. Qui peut dire qu’il dépense plus qu’il y a trois ans en nourriture, en textile, en télécoms ? Enfin je veux dire, qui peut croire cela ? Donc les pressions déflationnistes sont très importantes et donc les entreprises sortent parfois des résultats assez intéressants, il ne faut jamais oublier que la concurrence est de plus en plus vive.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous parliez d’exemples peut-être contradictoires avec Schneider ou Michelin, est-ce qu’il y a des exemples d’entreprises, pour terminer, un exemple d’entreprise qui, justement, vous paraît répondre à cela c’est-à-dire que, dans ce contexte déflationniste effectivement que l’on évoquait, être capable d’être bien positionné ?

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : Oui, c’est ce que l’on recherche dans notre fonds. Moi je vais vous donner deux exemples, je vais vous donner peut-être deux exemples de secteurs qui ont perdu du pricing power parce que le pricing power peut bouger, on n’est pas marié avec des secteurs ou des valeurs, le luxe, c’est peut-être l’exception qui reste toujours assez… On voit que les valeurs suisses qui viennent d’annoncer 7, 8 % de hausse de prix après la hausse du franc suisse, mais par exemple les spiritueux sortent de ce club, l’éthique c’est-à-dire SGS, BVI, Intertek, donc les sociétés spécialisées dans le contrôle, n’ont plus cette capacité à fixer leurs prix aussi nette qu’avant. Par contre, je vois deux nouveaux clubs, j’allais dire, qui rentrent dans notre fonds, par exemple, ce sont les maisons de retraite et les équipementiers automobiles de premier rang. Donc on est très pondéré en Plastic Omnium et Valeo, non pas comme certains de mes confrères pour jouer une reprise cyclique, pas du tout, mais parce que l’on pense que le contenu logiciel, le contenu technologique est chez les équipementiers plus que chez les constructeurs, et donc, si vous voulez, il va y avoir une inflation de ratios c’est-à-dire que cela va être des sociétés technologiques, j’en suis convaincu, dans cinq ans, Valeo, Plastic Omnium, Brembos, sont des sociétés technologiques qui seront valorisées comme Ingenico par exemple, j’en suis persuadé. Et quant aux maisons de retraite, écoutez, je trouve idiot de s’en priver. C’est du 15 % par an pour les quatre prochaines années de croissance d’EPS. Pour avoir pris le problème dans tous les sens, je pense que les problèmes réglementaires en France de tutelle, ce n’est pas avant les élections de 2017, déjà, et puis je crois que le gouvernement a compris que tout le monde avait à y gagner à avoir des lits dans le privé. Donc voilà deux exemples de secteurs qui maintiennent très bien leurs prix.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Gérard Moulin.

Gérard Moulin, Responsable Actions chez Amplegest : Merci à vous.

 

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