Véronique Riches-Flores économiste RichesFlores Research : "La BCE est intervenue trop tardivement".
Panorama de l'actualité économique mondiale et perspectives

22 juin 2014 19 h 36 min
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Fed, BCE, les politiques monétaires des banques centrales dictent la tendance sur les marchés financiers.

Qu’en est-il de l’efficacité de ces politiques monétaires sur l’économie ?

Quelles sont les perspectives économiques dans les grandes zones ?

La géopolitique qui s’invite au programme peut-elle remettre en cause la reprise mondiale ?

Mon invitée est Véronique Riches-Flores économiste RichesFlores Research.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Véronique Riche-Florès, bonjour. Vous êtes économiste. On va parler avec vous des perspectives économiques, après notamment une décision importante de la Banque centrale européenne qui a annoncé donc un certain nombre de mesures attendues par notamment les marchés financiers qui attendaient une nouvelle aide peut-être de la banque centrale, est-ce que pour vous cela a été satisfaisant ?

Véronique Riches Florès : Dans l’ensemble, le paquet est relativement satisfaisant. Finalement la banque centrale annonce à peu près ce que l’on attendait de mieux et va sans doute poursuivre son action. Maintenant, il y a deux limites. La première, c’est que ce paquet intervient très tard, trop tardivement par rapport à des politiques budgétaires très restrictives qui ont cassé la dynamique, enfin plus que cassé la dynamique de croissance, et face auxquelles finalement aujourd’hui on a peu d’éléments pour redresser la barre, recréer de la croissance. Alors, ce qu’a fait la BCE, c’est effectivement le maximum de ce que l’on pouvait envisager sans doute pour fluidifier l’offre de crédit, ce qui est très important. Je pense qu’à ce niveau-là on n’a probablement plus véritablement d’inquiétude. La grande question, c’est celle de la demande et la demande  va dépendre effectivement de la situation économique générale. Et à ce niveau-là effectivement, force est de constater que la BCE a peu d’actions, peu de leviers. L’effet de sa politique ou de ses décisions sur le taux de change, c’est peut-être là que l’on pouvait l’attendre le plus, va être sans doute limité parce que le paquet n’est pas très important, finalement on est… c’est comme si c’était un LTRO 3, donc cela ne va pas très loin. Et donc je pense qu’en définitive, bien que l’on puisse être relativement satisfait, on n’aura pas beaucoup d’effet de cette politique.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc cela veut dire que la vraie question reste en Europe celle de la croissance toujours avec ces politiques d’austérité que vous avez rappelées, et de trouver un moyen de sortir de cette… si on n’appelle pas ça une récession, sur le plan économique en tout cas, de cette très faible croissance globalement ?

Véronique Riches Florès : Quasi stagnation effectivement durable. Alors il y a deux aspects. Il y a un aspect d’abord qui concerne le rythme, la cadence imposée aux gouvernements pour retrouver, pour assainir leurs finances publiques. Je reste persuadée que ce rythme reste trop intense, donc on demande trop au risque de casser la croissance, et quand on casse la croissance, on n’a plus de résultats sur le plan des finances publiques, ça c’est le premier constat. Deuxièmement, on aimerait une Europe plus politique, qui ait la capacité de mettre sur pied des plans de développement structurels. On a, je pense, des boulevards sur lesquels on sait que l’économie européenne, comme l’économie mondiale, vont devoir se développer de manière probablement gigantesque dans les deux ou trois prochaines décennies. L’Europe pourrait prendre le devant de cette politique, de ces initiatives de croissance, croissance propre, croissance verte, on l’appellera comme on veut, transition énergétique, il y a des tas de domaines. Mais pour avancer, il nous faut une force de frappe politique, celle-là, on ne l’a pas encore.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des États-Unis, là on a la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, pour l’instant les investisseurs ont l’air de suivre ce qui se passe effectivement, ce discours-là, est-ce qu’il peut changer et est-ce qu’aujourd’hui on a une certitude sur cette croissance américaine ?

Véronique Riches Florès : Je pense qu’il y a beaucoup d’incertitudes en l’occurrence. On a des satisfactions. On a une croissance qui est maintenue à flot en réalité, mais on n’a pas du tout retrouvé les mécanismes de croissance traditionnels de l’économie américaine, sa capacité à créer beaucoup d’emplois, des emplois peu qualifiés, et donc à maintenir un taux de chômage bas, surtout des taux de participation très élevés, a disparu. Le secteur tertiaire n’a pas du tout retrouvé sa dynamique d’avant crise et c’est le gisement d’emplois avant tout. L’endettement reste très élevé, donc on ne peut pas escompter un cycle de croissance basée sur l’immobilier par exemple, ce qui était l’espoir de beaucoup. Donc vous avez encore beaucoup, beaucoup de dérèglements. Alors, à partir de là effectivement, on peut regarder d’un œil sceptique, c’est un petit peu ma façon de voir, ce que fait la Fed. J’ai peur que la Fed aille trop vite et il me semble qu’elle va… que le plus probable est que Janet Yellen modère un petit peu les attentes et peut-être qu’elle garde sous le bras un petit matelas de réserve de poursuite d’achat d’actifs en dépit néanmoins, c’est peut-être là la limite de cette anticipation, des risques de bulles que créent effectivement ces montants d’actifs déversés sur les marchés. Donc on a quand même des risques sur l’économie américaine et je pense une visibilité finalement assez faible.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors est-ce que du côté des marchés émergents, on a vu là aussi un certain nombre de crises on a l’impression, d’après les derniers chiffres notamment en Chine, qu’en tout cas cela va mieux, est-ce que c’est le cas sur les pays émergents ou est-ce que là aussi il y a encore des craintes ?

Véronique Riches Florès : Il y a beaucoup de craintes et je pense qu’il faut prendre conscience que l’on ne retrouvera jamais le monde d’avant la crise en réalité. Alors dans les pays émergents, c’est vrai qu’il y a eu ce plan de soutien de 2010-2011 en Chine qui a en réalité tiré l’économie mondiale en dehors de la crise et qui s’est interrompue parce que cette relance est faite beaucoup à crédit est, on le sait, a exacerbé des risques de… des risques financiers majeurs. Aujourd’hui on a une économie chinoise qui ne peut plus jouer ce rôle de locomotive pour la croissance, un des émergents, et un petit peu également des pays développés. Donc je pense qu’effectivement tout devient beaucoup plus compliqué. Vous avez des pays émergents qui ont multiplié, enfin qui ont réussi à décoller beaucoup plus rapidement ces dernières années grâce à la Chine, qui aujourd’hui sont privés de ce marché essentiel et ne peuvent plus satisfaire les besoins nécessaires à leur développement, cas du Brésil, de l’Inde dans une certaine mesure, de beaucoup de pays du Sud-Est asiatique. Donc je crains effectivement que la situation reste compliquée et certainement plus difficile que tout ce qu’avaient anticipé les prévisions de moyen, long terme.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, un pays qui a suscité aussi beaucoup de questions, c’est le Japon avec des programmes non conventionnels là aussi et puis une action rapide, en tout cas des choix politiques qui ont été faits, est-ce que pour vous cela fonctionne ou est-ce que là aussi il va y avoir des limites à ce changement de politique ?

Véronique Riches Florès : Je pense que le cas du Japon est très intéressant parce qu’en fait il y a une vraie limite, et la limite en définitive elle vient d’où ? Elle est globale, elle est que, dans un marché, dans une économie qui ressemble… dont la structure est presque celle d’une économie unique, quand il y en a un qui prend, il prend forcément sur l’autre. On a une économie mondiale qui a beaucoup vécu sur la multiplication des échanges avant la crise, c’était l’histoire des années 90 et 2000. Aujourd’hui, ces échanges mondiaux piétinent. Donc il n’y a plus de croissance. Le gâteau mondial ne croît plus et donc que quand on mène des politiques compétitives, il ne faut pas se leurrer, on prend sur son voisin. Et je pense que le Japon a pris sur ses voisins asiatiques, cela explique également en partie le changement de politique de taux de change de la Chine, et donc oui, c’est un peu la patate chaude que l’on passe à son voisin, ce qui, net-net, n’est pas profitable. Et le Japon en pâtit parce que ces débouchés extérieurs qui sont surtout très fortement régionaux, et bien sont pénalisées par sa propre politique. Donc vous voyez, c’est un jeu quand même très compliqué. Je pense que le Japon va devoir revenir d’ailleurs, avec sans doute des mesures supplémentaires, et pour tenter de faire baisser à nouveau le yen qui s’est raffermi et qui handicape à nouveau cette tentative de reprise.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin, on n’a pas parlé de géopolitique, mais c’est le sujet effectivement qui s’est installé dans le panorama. On a également vu des suspensions de gaz en Ukraine, donc on voit qu’il y a des sujets là très compliqués, est-ce que ça ça peut être des facteurs effectivement de risque pour une économie mondiale en 2014 ?

Véronique Riches Florès : Je pense que ce sont des facteurs majeurs de risque effectivement, que ce soit relativement proche, donc en Europe, la situation en Ukraine et tous les pays qui sont autour, la situation bien évidemment en Irak qui touche la Syrie, qui peut impliquer bien évidemment la Turquie, cela veut dire l’Europe. On a véritablement des foyers, sans parler de l’Asie également où les tensions se multiplient, des foyers qui sont en voie de se multiplier. Je pense que la difficulté économique globale ne fait qu’exacerber ce risque. On a véritablement quelque chose là sur lequel il va falloir bien aiguiser nos outils parce que ce sont des bombes qui peuvent effectivement apparaître à tout moment.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Véronique Riche-Florès.

Véronique Riches Florès : Merci Didier.

 

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