William de Vijlder Directeur de la Recherche Economique BNP Paribas : "Le coût d'une fausse manoeuvre de la Fed serait énorme".
Perspectives économiques sur l'ensemble des grandes zones

20 septembre 2014 8 h 26 min
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Economie : les Etats-Unis, la zone euro, les pays émergents, revue de détails de l’actualité économique.

Mon invité pour parler de ces sujets est  William de Vijlder Directeur de la Recherche Economique BNP Paribas.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : William Devijlder, bonjour. Vous êtes directeur de la recherche économique chez BNP Paribas. On va parler avec vous justement pour commencer peut-être des États-Unis avec le dernier commentaire de la Réserve fédérale américaine, comment vous analysez, vous, aujourd’hui, la situation économique aux États-Unis ?

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : La bonne nouvelle est que c’est une économie qui a su mener une politique économique et surtout monétaire qui s’est prouvée efficace et la perspective pour les années à venir va toujours dans un sens d’un maintien d’un taux de croissance satisfaisant, inférieur à ce que l’on a vu dans le passé, bien évidemment, mais satisfaisant. Si bien que maintenant enfin on s’approche donc du stade où la politique peut être normalisée sur le plan monétaire.

Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire qu’il y a eu des débats de ce côté-là. Pour l’instant on reste sur ce statu quo, on pouvait penser que peut-être la Fed accélère un petit peu ?

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : En effet, je pense qu’il y a deux lectures que l’on peut faire. La première, c’est la Fed fait preuve de beaucoup de prudence parce qu’elle veut à tout prix éviter de remonter les taux trop vite et en quelque sorte de tuer la reprise. Le coût d’une telle fausse manœuvre serait très important dans la mesure où comme les taux réels sont toujours négatifs, la marge de manœuvre pour assouplir, pour réagir à un nouvel essoufflement de croissance, serait pratiquement inexistante si bien qu’elle devrait à nouveau faire appel à l’assouplissement quantitatif. Donc du coup, elle essaie d’attendre le plus longtemps possible et donc de ne pas prendre de risques. Le deuxième point, c’est la deuxième lecture, c’est que la Fed est en quelque sorte prise en otage par les marchés et je pense que les deux lectures sont d’application. La Fed est bien consciente du fait que un taux trop agressif brusquerait les choses du côté des marchés obligataires, et donc, par effet de ricochet, pèserait aussi sur la bourse et pourrait même provoquer un recul plus important des cours, et donc, c’est là que l’on essaie de trouver le juste équilibre.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc quelque part elle pilote toujours les marchés, comme on dit, mais il pourrait très bien y avoir des risques si effectivement à un moment donné elle était obligée de se défaire de cette emprise ?

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : C’est bien le cas et donc un des risques majeurs pour 2015, c’est justement une économie qui s’accélérerait trop fortement, un marché de l’emploi qui s’améliore très, très nettement, beaucoup plus qu’aujourd’hui, et que donc du coup, on aurait l’impression que la Réserve fédérale, effectivement, va ajuster le tir d’une manière plus agressive qu’on ne l’imagine aujourd’hui. C’est un risque, ce n’est clairement pas le scénario de base. Nous avons un scénario que finalement elle se mette à resserrer la vis et commence à monter les taux d’intérêt quelque part au deuxième trimestre et que, en cumul pour l’année 2015, la hausse des taux de la Fed serait à peu près de 100 pb.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc ça c’est effectivement aujourd’hui le scénario, il évoluera peut-être dans les prochains mois. Du côté de la Banque centrale européenne, du côté de la zone euro, là on a une toute autre problématique, effectivement c’est de retrouver des moyens de relancer la croissance, pour l’instant on en voit peu, est-ce que vous n’avez pas l’impression que la Banque centrale européenne, elle, court un peu après et arrive un petit peut à chaque fois ? C’est ce que disent parfois des investisseurs.

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : Oui, il y a un grand débat philosophique qui ne date pas d’hier, en fait déjà il y a des années il était amené sur « est-ce que la politique monétaire face a une crise, face à une récession, est-ce que la politique monétaire doit être extrêmement agressive en prenant donc le risque d’être, de faire trop, ou est-ce que justement c’est le gradualisme qu’il faut suivre ? » Force est de constater que du côté de la Banque centrale européenne, la bonne nouvelle, lorsque l’on regarde en arrière, c’est qu’elle a fait preuve de courage, d’audace même. La mauvaise nouvelle, c’est que c’était toujours lorsque on était confronté à un nouveau problème, et donc c’est là que le gradualisme que l’on a quand même observé, donc tout en suivant un parcours très graduel, on est allé très loin. Le problème que l’on a aujourd’hui, c’est que la croissance, l’économie stagnent, ou la croissance est très lente, on pense que pour les prochains trimestres, elle restera lente avec donc une amélioration qui interviendrait quelque part au second semestre 2015. Et donc, la question c’est, face à cela, avec le faible niveau d’inflation, est-ce qu’elle a fait assez ? Qu’est-ce que l’on peut encore faire ? Etc. D’où l’importance bien évidemment des nouvelles qui tomberont sur l’appétit des banques pour le TLTRO, d’où aussi l’importance du programme d’achat d’instruments ABS, mais quand même on commence également à se rendre compte que l’on touche quelque part le fond de ce que l’on pourrait faire, qui sont d’ailleurs exactement les propos qu’a tenus Mario Draghi à Jackson Hole fin août.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc en attendant des mesures du côté des états, des mesures que l’on attend notamment en France, mais que l’on ne voit pas forcément venir.

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : En fait, ce qui est intéressant, c’est que maintenant le plaidoyer en toute logique devient un plaidoyer pour une politique budgétaire qui est plus en ligne avec l’environnement économique, un de la zone euro dans sa globalité, et puis au niveau des pays. En fait c’est une question de retrouver donc l’équilibre où certains pays doivent continuer leurs efforts, voire augmenter leurs efforts, et d’autres pays, qui ont un peu de marge, pourraient justement faire une petite contribution pour doper la croissance. À ce propos il est intéressant de constater que par exemple aux Pays-Bas on relâche un peu parce qu’il y a de la marge, le déficit est bien passé en dessous des 3 %. Les regards sont bien évidemment tournés vers l’Allemagne où là le contexte politique est assez compliqué, et donc il y a un risque que Mme Merkel n’ait pas beaucoup d’envie de lâcher un peu de lest et de faire preuve, disons, de sa petite contribution pour relancer l’économie européenne, justement parce qu’elle a peur d’être critiquée dans son pays par les autres partis politiques.

Web TV www.labourseetlavie.com : Si on s’éloigne un peu de la zone euro et que l’on parle du Japon, on a vu que les mesures concernant la hausse de TVA qui était prévue, on a vu cet impact, on en est où justement sur cette économie japonaise aujourd’hui ?

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : Le point qui surprend le plus au Japon, c’est que finalement, lorsque l’on regarde l’entrée en vigueur d’Abenomics ou du moins l’annonce au quatrième trimestre 2012, on est arrivé à combler l’écart qu’il y avait entre on pourrait produire autant et on produit cela, on est arrivé à combler cet écart relativement rapidement. Ceci veut dire que c’est une économie qui est maintenant quand même confrontée à une sorte de barrière liée au côté Offres, d’où donc l’importance aussi de la fameuse troisième flèche d’Abenomics dont on parle depuis plus d’un an, plus de deux ans même, et où on attend toujours les grandes initiatives. Ce qui est important, d’un point de vue économique au Japon et certainement d’un point de vue objectif d’inflation que s’est fixé la banque centrale, c’est que le yen en fait, le glissement du yen s’accélère, c’est bien évidemment à mettre en rapport surtout avec ce qui se passe du côté américain. Et donc là, les raisons du glissement dollar yen ne sont pas différentes des raisons du glissement eurodollar. C’est un point qui est important parce que cela a un impact sur l’inflation, cela a un impact bien évidemment sur la bourse, on l’a bien vu ces derniers jours. Maintenant, la grande question au Japon, c’est comment traduire ce gain sur le yen, je veux dire la dépréciation sur le yen, dans des exportations qui partiraient en hausse, etc. et donc là on attend.

Web TV www.labourseetlavie.com : Pour terminer sur les pays émergents, on a pu voir des surprises, on ne s’attendait pas forcément à ce que le Brésil soit un jour en récession, quand on parlait de ces pays émergents, les pays émergents, ils sont en convalescence ? Ils sont entre deux cycles ? Comment vous les analysez ?

William Devijlder, Directeur de la recherche économique chez BNP Paribas : Le mot qui domine, c’est l’hétérogénéité. Donc du coup, il est assez difficile d’utiliser un mot qui résume le tout parce que en moyenne le mot il est approprié, mais lorsque l’on regarde dans le détail, il y a des pays qui sont au-dessus et en dessous. Par exemple d’un côté on a l’Inde qui se porte bien, la Chine certes affiche toujours un taux de croissance satisfaisant, mais moyennant des mesures de relance qui sont prises quand même avec une grande régularité, on l’a encore vu il y a quelques jours avec des nouvelles impulsions monétaires. En revanche, lorsque l’on regarde, comme vous le mentionnez, du côté des Brésiliens, donc là c’est un pays qui est en quasi récession, c’est à mettre en rapport avec plusieurs facteurs. Il y a clairement une contrainte d’offres en dépit d’un taux de croissance qui est très faible. Comme il y a une contrainte d’offres, il y a donc trop d’inflation. Donc du coup les taux réels doivent être très élevés et la croissance dans le passé a été dopée par une accentuation très importante du crédit. Comme les taux d’intérêt sont élevés en réel, du coup l’expansion du crédit en souffre, et donc c’est un pays qui effectivement est dans un passage difficile où bien évidemment les regards sont maintenant tournés vers les résultats des élections, et donc là, la bourse espère que cela apportera du changement et que donc du coup cela pourrait avoir des conséquences économiques plus positives aussi. Il n’empêche que c’est quand même un pays qui, même en 2015, connaîtra une conjoncture difficile.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci William Devijlder d’avoir été avec nous.

 

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