Jean-Louis Mourier Économiste Aurel BGC : "Le leitmotiv des banquiers centraux reste de ne pas surprendre".
Economie et perspectives sur les principales zones

31 août 2014 19 h 09 min
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Après un été avec des nouvelles économiques mitigées, rebond de l’économie américaine finalement, comment évolue les pricipales zones de risques ?

Nous faisons un tour d’horizon économique avec mon invité Jean-Louis Mourier Économiste Aurel BGC.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Jean-Louis Mourier, bonjour. Vous êtes économiste chez Aurel BGC. On va parler avec vous de perspectives économiques. Peut-être dans cette rentrée, quelques mots de l’état des lieux de l’économie mondiale, est-ce qu’elle se porte mieux ou est-ce qu’il y a encore beaucoup d’inquiétude ?

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : On a eu je crois ces dernières semaines, notamment durant l’été, des nouvelles un peu mitigées sur les zones en fait. Donc l’économie mondiale globalement ne se porte certainement pas plus mal. On a eu des indicateurs en Chine notamment qui sur le début de l’été étaient un petit peu meilleurs qu’au printemps, cela c’est un petit peu dégradé sur le mois d’août, on verra pour la suite. On a eu un rebond de l’économie américaine au deuxième trimestre qui a été annoncé fin juillet, qui a été beaucoup plus fort et marqué que ce qui était attendu par un peu tout le monde, par les consensus et même par les plus optimistes qui participent au consensus. En revanche on a eu en Europe la déception, la mauvaise surprise d’une stagnation globale de l’activité au deuxième trimestre, suivie d’indicateurs sur un mois de juillet et les premiers sur le mois d’août qui ne sont pas forcément très bien orientés et qui ne montrent pas de rebond après cette stagnation qui a duré tout le premier semestre en fait.

Web TV www.labourseetlavie.com : L’Europe reste le point d’interrogation y compris pour les investisseurs d’ailleurs internationaux sur la capacité à retrouver de la croissance ?

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : Tout à fait. On avait un scénario, on a toujours un scénario, même s’il faut sans doute le modérer un petit peu, de sortie de récession, cela s’est fait quasiment partout, à part l’Italie qui a replongé dans la récession au début de l’année, la sortie de récession est confirmée. L’idée n’était pas d’une accélération continue de l’activité après mais on pensait quand même que l’on allait avoir un petit peu de croissance, une croissance faible, trop faible, mais un petit peu de croissance, et pour l’instant on ne l’a pas. On n’arrive pas à avoir une activité qui décolle franchement en Europe. Il y a encore beaucoup de freins, il y a encore beaucoup d’éléments qui pèsent, et c’est un élément qui effectivement peut être un sujet de préoccupation pour les investisseurs.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a vu aussi les efforts ou en tout cas le discours de la banque centrale européenne. Est-ce qu’il y a eu un le discours de la Banque centrale européenne, est-ce qu’il y a eu un véritable changement entre, on va dire, avant l’été et depuis les dernières déclarations ?

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : Véritable changement, non. Il y a eu une évolution sur le discours de M. Draghi à Jackson Hole à la fin du mois d’août, donc il y a quelques jours. Il y a deux choses intéressantes qui ont été dites. La première, qui a été soulignée par un peu tous les médias, c’est que M. Draghi semble appeler à une politique économique, a policy-mix, globalement plus accommodante. Cela a été un peu surinterprété ce qu’il dit puisque effectivement il dit que d’une part il y a des problèmes à la fois d’offres et de demandes, des problèmes conjoncturels et des problèmes structurels dans la zone euro, que les problèmes structurels doivent être adressés par des réformes de fond à mener par les pays européens, certains l’ont déjà fait, d’autres sont en train de le faire, donc ça c’est quelque chose qui fonctionne, et les problèmes conjoncturels doivent être résolus à la fois par une politique monétaire qui reste très accommodante, voire qui pourrait être encore plus accommodante dans les prochains mois, et par des politiques budgétaires plus actives, et par plus actives, il n’entend pas des politiques de relance keynésienne. Ce que me dit M. Draghi, c’est qu’il faut continuer à réduire les déficits, au moins à ne pas les augmenter, afin de stabiliser les ratios de dette publique qui restent très élevés et qui restent une menace à terme et un frein à la croissance potentielle de l’économie européenne. Ce qu’il dit, c’est que baisser certaines dépenses, mais baisser parallèlement certains prélèvements, et faire en sorte que le mix des deux, que du mix des deux découle un impact positif sur l’activité.

Web TV www.labourseetlavie.com : Quand on regarde les marchés obligataires, on voit des niveaux de taux en Allemagne au plus bas, historique, on n’a jamais été… c’est un des scénarios que l’on envisageait peut-être pas en début d’année quand même que l’on en soit aussi bas. On a vu aux États-Unis pour le 30 ans…

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : Tout à fait, le consensus en début d’année a été fort, pour ne pas dire unanime, à considérer que les rendements obligataires devaient augmenter, et notamment les rendements à long terme qui étaient extrêmement bas. On a eu des mouvements un petit peu disparates. Le paradoxe, c’est que les taux longs américains par exemple ont commencé à baisser lorsque la Banque centrale américaine a commencé à réduire ses achats mensuels de titres sur les marchés, donc c’est un peu paradoxal mais cela fonctionne souvent comme ça. Ils avaient été montés avant, ils ont baissé après. Après, la poursuite de la baisse est venue de la dégradation du climat conjoncturel mondial. On parlait du fait que l’Europe allait plus mal et que les autres n’allaient pas forcément moins bien, mais globalement on a eu pendant le deuxième trimestre anciennement et encore au mois de juillet, une vague de révisions à la baisse des perspectives de croissance mondiale notamment par les institutions internationales. Ajoutez à cela une inflation qui, sauf dans quelques économies émergentes, est très basse, extrêmement basse. On a des craintes qui sont effectivement concentrées sur la zone euro où on a un taux à 10 ans allemand qui est aujourd’hui en dessous de 1 %.

Web TV www.labourseetlavie.com : De votre point de vue, on va reparler de déflation, de questions de déflation dans les prochains mois ?

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : Tout à fait. C’est le deuxième point intéressant dans le discours de M. Draghi à Jackson Hole, c’est que pour la première fois il évoque un réel risque de déflation. Jusqu’à présent, les banquiers centraux européens estimaient que, malgré une inflation très basse, le risque de déflation était très limité. Aujourd’hui il s’inquiète de voir que les anticipations d’inflation, notamment sur les marchés, ont baissé ces dernières semaines, et notamment leur mesure préférée d’anticipation d’inflation a baissé, ce qui les amène à se montrer un petit peu plus inquiets. Donc c’est un discours qui va revenir, c’est un discours qui est manifestement au centre des réflexions des investisseurs obligataires, seul ce discours peut expliquer le niveau effectivement de taux d’intérêt que l’on a aujourd’hui sur les marchés. On disait un 10 ans allemand inférieur à 1 %, le 2 ans allemand sur le marché est négatif.

Web TV www.labourseetlavie.com : On se dit même : « Est-ce que l’on n’est pas en train en Europe d’aller vers une situation à la japonaise ? »

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : On a des taux d’intérêt qui ressemblent à ceux qui étaient les taux du Japon il y a quelque temps. Aujourd’hui les taux japonais ont encore plus baissé puisque quand le 10 ans allemand est passé en dessous des 1 %, le 10 ans japonais est passé en dessous de 0,5 lui. La situation n’est pas tout à fait la même, on n’a pas les mêmes enchaînements. On a des inquiétudes qui ressemblent au moins chez les investisseurs.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que du côté des pays émergents, vous parliez de la Chine, ils vont mieux ou est-ce qu’ils sont aussi suspendus, quelque part, à cette reprise économique aussi bien américaine qu’européenne, on en a parlé, qui n’est pas là ?

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : La situation des émergents est très disparate. En fait, parler des pays émergents, c’est très difficile, cela n’a jamais été très facile, mais c’est encore plus difficile qu’avant. Donc la Chine est un cas particulier, c’est un énorme vaisseau avec une certaine inertie dans son activité. Vous avez des pays qui n’allaient pas très bien et qui ont subi les sorties de capitaux massives l’année dernière, qui vont un petit peu moins mal, voire un petit peu mieux, c’est le cas de l’Inde ou de la Turquie, la situation s’améliore progressivement. Il y a des pays pour lesquels cela ne va pas franchement mieux, et je pense essentiellement au Brésil. Le Brésil qui n’arrive pas… où l’activité n’arrive pas à accélérer, et vous avez une enquête qui est faite toutes les semaines par la banque centrale du Brésil auprès d’une centaine d’économistes, et le consensus continue à baisser c’est-à-dire que la prévision consensuelle pour l’économie brésilienne aujourd’hui cette année est à 0,7 %, ce qui, pour une économie dite émergente, est extrêmement faible.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin pour les investisseurs, est-ce que… ils font confiance aujourd’hui aux banquiers centraux, mais est-ce qu’ils peuvent être surpris dans les prochains mois par peut-être une politique moins lisible ou plus rapide sur notamment les remontées de taux ?

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : Les banquiers centraux ont un leitmotiv, et notamment Janet Yellen insiste beaucoup, beaucoup là-dessus depuis quelques mois, c’est de communiquer le plus possible, le plus longtemps à l’avance, ce qu’ils vont faire. Donc la volonté est claire, c’est de ne pas surprendre. Donc il y a un risque effectivement pour que les taux directeurs américains remontent plus tôt que ce qui est envisagé encore aujourd’hui par les investisseurs mais cela a déjà été évoqué par les banquiers centraux américains et Janet Yellen a été claire à Jackson Hole aussi, elle parlait juste avant Mario Draghi, sur le fait que il va falloir communiquer, communiquer et encore communiquer et que sans communication il ne se passera rien, et le risque qu’ils ne veulent pas courir, c’est effectivement de surprendre les marchés puisqu’une réaction négative des marchés pourrait avoir un impact très négatif sur l’économie notamment aux États-Unis où les financements dépendent beaucoup des marchés.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Jean-Louis Mourier.

Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel : Je vous en prie.

 

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