Quand le PDG de Total Energies donne une leçon aux sénateurs.
L'info éco + avec Didier Testot Fondateur de LA BOURSE ET LA VIE TV sur Sud Radio (4 mai 2024)

5 mai 2024 14 h 58 min
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Didier Testot Fondateur de LA BOURSE ET LA VIE TV revient dans l’Info éco + Sud Radio sur les thèmes suivants :

Le texte ci-dessus ne reprend pas exactement ce qui a été dit dans la vidéo, s’y référer si besoin.

Didier, vous commencez par ce que vous appelez la leçon de  Patrick Pouyanné, Pdg de TotalEnergies devant les Sénateurs cette semaine pour quelle raison ?

Pour suivre la Bourse depuis près de 35 ans, je peux vous dire qu’elle n’a pas bonne presse, une presse d’ailleurs qui ne parle que du CAC40, pas des PME ou des ETI. La Bourse reste la mal aimée, celle de toutes les spéculations, des dividendes (dont tout le monde oublie la fiscalité) pour ne voir que l’argent en oubliant la prise de risque de tout investisseur. Je n’ai pas le temps de détailler ici ce schisme entre la réalité des dirigeants que je connais et la vision générale de la Bourse par les Français.

Alors quand un patron du CAC40 vient devant les Sénateurs c’est intéressant de l’écouter. Et surtout les questions des sénateurs qui se sont pris un boomerang/

D’abord le sujet de la cotation en Bourse justement, Patrick Pouyanné a pu évoquer l’idée d’un transfert de cotation à New York, avec un premier argument, celui de  la valorisation supérieure des sociétés cotées dans son secteur aux Etats-Unis / aux sociétés européennes. Concrètement des sociétés comme Exxon (Esso) ou Shell ont un ratio cours sur bénéfice de 12 fois, contre 7 à 8 pour TotalEnergies. Quand vous êtes un dirigeant d’entreprise, vous ne pouvez pas ne pas voir ce sujet de valorisation.

L’autre sujet c’est la politique choisie par l’Europe de frapper ses entreprises afin qu’elles soient vertes ou ne le soient pas. Comme si la transition énergétique pouvait se faire d’un claquement de doigt quitte à fermer l’entreprise qui n’est pas verte ! .

Pourtant il faudra bien des décennies pour que l’on puisse se passer des énergies fossiles. Tout simplement parce qu’il s’agit de changer les infrastructures. Pas juste une pompe à chaleur à la place d’une cuve de fioul pour faire simple. Oublier donc qu’il faut financer la transition avec de l’argent.

Autre élément Didier en Bourse, de plus en plus d’investisseurs américains achètent alors que les européens vendent Total.

Je partage avec vous ici un souvenir quand j’étais porte-parole du gendarme de la Bourse, cela remonte aux années 90, un avocat américain m’avait appelé pour me demander qui était TOTAL, qu’il ne connaissait pas, j’avais dû lui épeler le nom. Sacré parcours depuis !

Et le poids des investisseurs anglo-saxons au capital de TotalEnergies n’a cessé de grandir, les retraités californiens aiment notre CAC40 pendant que nous refusons les fonds de pension sous peine de mettre le pays à feu et à sang. Avec la gestion passive venue des US qui a aussi pris sa place. La gestion passive n’a pas d’avis sur le lieu de cotation.

Au niveau mondial, la gestion passive représente désormais 50% du capital des entreprises contre 22% en 2010. Elle est contrôlée par trois sociétés de gestion américaines, Blackrock, Vanguard et State Street, qui ont 75% de part de marché. Ce poids des « nouveaux » actionnaires américains se fait au détriment des actionnaires européens ce que constate TotalEnergies. Tant que nos « élites » n’auront pas compris l’utilité de la Bourse pour notre souveraineté, ils brasseront du vent. Faut-il laisser aux retraités californiens le capital de nos entreprises ? Comme à Microsoft pour nos données de santé, ce sont des choix politiques.

 

À ce propos dans cette audition, le Pdg de Total explique pourquoi il n’a pas construit de panneux solaires en France

Le Pdg de rappeler qu’il a été fabricant de panneaux solaires, dans une entreprise appelée SunPower. Il dit avoir vu le cycle d’investir dans des usines de panneaux solaires en Europe est de devoir toutes les fermer. Et il dit aux Sénateurs Vous savez pourquoi je les ai fermé ? Parce que, en 2016 ou 2017, l’Europe a décidé d’enlever toutes les barrières qu’il y avait sur les panneaux chinois. Je suis allé à Bruxelles, je suis allé voir le ministre de L’économie pour lui dire Si vous levez ces barrières douanières, nous devrons fermer ces usines que nous avons à Toulouse et à Sarlat…Et à la fin, le choix a été fait. Le choix a été fait par l’Europe. On nous a dit on laissera les panneaux chinois entrer ou fermer, parce que le choix que nous faisons, c’est que le coût de l’énergie solaire soit le plus bas possible ».

Contrairement à l’idée très répandue que l’Europe ne sert à rien, ses décisions, validées par un Gouvernement français ont donc biendes conséquences concrètes sur notre industrie. En l’occurrence dans ce cas pour sa destruction.

Car ce que ne dit pas le Pdg de Total pour ne pas froisser les Chinois sans doute c’est qu’eux subventionnent lourdement leur industrie. Et aux Etats-Unis, où TotalEnergies en fabrique, Patrick Pouyanné explique que s’il utilise des panneaux américains, il a un avantage fiscal pour cela. Le pragmatisme versus l’idéologie mortifère qui conduit à une concurrence déloyale. Au détriment de nos industries. Ce n’est pas moins d’Europe qu’il faut c’est une Europe intelligente qui protège ses citoyens et exige la réciprocité dans ses échanges. Dépendre des panneaux chinois n’apporte aucune garantie de prix, car comme pour les batteries électriques, une fois qu’ils dominent le marché, s’ils augmentent les prix, vous êtes morts. Patrick Pouyanné explique qu’il’ s’approvisionne désormais aussi en Inde.

 Et Bruno Le Maire, l’Etat  ne pourrait-il pas s’opposer à une cotation de Total Énergies à New York ?

Bruno Le Maire a indiqué qu’il s’opposerait à une cotation de Total Énergies à New York. Mais à quel titre ? L’Etat français fut il y a bien longtemps un gros actionnaire de cette entreprise dont il détenait un tiers du capital jusqu’en 1992 ; puis il amorça un retrait qui aboutit en 2024 à ne plus être dans l’actionnariat du pétrolier. Et globalement son portefeuille de participations s’est dégonflé comme une baudruche depuis 25 ans. L’Etat gérant à la petite semaine son budget, il n’est plus crédible dans son discours. Il aurait pu par exemple disposer d’un fond souverain comme la Norvège ou d’autres pays pour mettre en place une véritable stratégie de ré-industrialisation du pays et de transition énergétique. Et à condition que ceux qui dirigent ces fonds aient une vision. C’est-à-dire comprenne le fonctionnement de l’économie. Elle est ouverte, donc une décision française, européenne, sans équivalent dans d’autres pays c’est un handicap pour nos entreprises. Il n’y a toujours pas de stages prévus à l’ENA dans des PME françaises pour valider le diplôme.  C’est pas gagné !