Stéphane Boujnah Directeur Général Banque Financement et d'Investissement France Benelux Santander : "L'Espagne a fait des réformes structurelles".
Réformes en Espagne et perspectives

18 juillet 2014 21 h 57 min
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Rencontres 2014 de Paris Europlace.

A cette occasion la Web Tv a interviewé des personnalités qui intervenaient lors de tables-rondes.

Retour sur l’actualité économique en Europe et les perspectives.

Mon invité est Stéphane Boujnah Directeur Général Banque Financement et d’Investissement France Benelux Santander.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Stéphane Boujnah, bonjour. Vous êtes directeur général en charge effectivement de la banque de financement et d’investissement chez El Banco Santander, la banque Santander, banque espagnole. Vous avez parlé ce matin lors de la table ronde de, effectivement, comment l’Europe pouvait retrouver un petit peu d’attrait, en tout cas sur la partie… pour les marchés, comment vous envisagez vous la situation aujourd’hui en Europe ? Est-ce qu’elle reste délicate ?

Stéphane Boujnah, Directeur général de la Banque Santander : Je crois que quand on se met dans les chaussures des investisseurs étrangers, notamment ceux que je connais le mieux, d’Amérique latine, ils regardent quand même l’Europe par deux ou trois angles qui les impressionnent le plus. Le premier, c’est le retournement extrêmement rapide des pays dont ils sont le plus proches sur notre continent qui sont les pays dits périphériques et notamment de l’Espagne et qui en quelques années a mené des réformes structurelles plus qu’aucun pays dans la zone, et même sur la planète, puisque c’est un quasi programme structurel de type FMI, à la différence près que là il a été délibéré, conçu, organisé, mis en œuvre dans le cadre d’une démocratie extrêmement vibrante qui est le fonctionnement de la démocratie parlementaire espagnole, et au terme de ce processus qui a mis quatre ans, les déficits budgétaires cette année devraient atteindre 5-5,5 %, là où on était à plus de 10 en 2011-2012, la compétitivité de l’industrie s’est accrue significativement avec des exportations industrielles qui excèdent maintenant les importations industrielles, un coût du travail qui est extrêmement compétitif et qui, cela a été rappelé ce matin, est en dessous de la moyenne européenne, et donc tout cela a créé un redémarrage de la croissance extrêmement dynamique. Et donc, pour un certain nombre d’opérateurs extérieurs à notre continent, il y a des opportunités d’investissement significatives, et aujourd’hui cela se reflète dans les taux souverains puisque le rendement à 10 ans de la dette souveraine espagnole est très voisin de celui du UK et assez proche en fait, à 10 bp à peine de celui des États-Unis.

Web TV www.labourseetlavie.com : Il y avait même de ce côté-là des investisseurs qui jugeaient peut-être abusive cette évolution des taux espagnols, compte tenu peut-être justement de la comparaison avec d’autres économies.

Stéphane Boujnah, Directeur général de la Banque Santander : Voilà, si elle était abusive maintenant, cela veut dire qu’elle l’était aussi quand les taux convergeaient vers 6 %. Donc il y avait peut-être de l’excès à l’époque. Moi je crois qu’il se passe quelque chose de très fondamental, c’est que l’Espagne a fait des réformes structurelles. Alors, à côté de cela, il y a d’autres pays qui les ont faites il y a très longtemps, notamment l’Allemagne et les Pays-Bas, mais l’Allemagne surtout qui va être en excédent budgétaire cette année et qui a un coût du travail compétitif et qui a mené, pendant toutes les années 2000, des réformes structurelles, notamment sur le coût du travail et la flexibilité du marché du travail, mais aussi, mais aussi les finances publiques tout à fait à froid et des réformes structurelles et efficaces. Et puis il y a des pays comme la France qui ont annoncé une orientation au début de cette année, qui la mettent en œuvre mais à un rythme qui n’a pas encore convaincu complètement les investisseurs étrangers. Cela dit, rappelons-nous toujours que ce qui intéresse beaucoup d’investisseurs étrangers quand ils regardent les entreprises françaises, c’est moins les flux et la tendance que le stock c’est-à-dire que vous avez, en France en particulier, une quarantaine d’entreprises mondiales concentrées entre le 8ème arrondissement et la Défense, qui sont leaders sur leur segment, dans l’énergie, les matériaux de construction, la grande distribution, les services de technologies de l’information, etc., et qui réalisent néanmoins entre 70 et 80 % de leurs chiffres d’affaires en dehors de la France, et singulièrement en dehors de l’union européenne et dans les pays émergents. Et pour un certain nombre d’investisseurs du reste de la planète, ces sociétés sont quand même des sociétés avec un excellent management, une bonne technologie, une pénétration dans les pays émergents extrêmement bonne, et donc c’est quasiment un indice pour capturer la croissance des pays émergents. Donc je crois qu’il y a ce regard double, un appétit, un intérêt, une curiosité pour ce qui se passe dans les pays périphériques, et la continuation d’un regard très positif sur les très belles entreprises mondiales qui sont en Europe et singulièrement en France. Je citais ce matin GDF Suez parce que l’on parlait du Brésil, GDF Suez est désormais un leader mondial de l’énergie. Ils ont une filiale au Brésil qui s’appelle Tractebel Energia qui a une capitalisation boursière supérieure à 7 milliards d’euros, c’est plus que cinq ou six très beaux noms du CAC 40, à commencer par exemple par Air France.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc un regard sur la partie entreprises, mais la partie dette quand même… parce que là on peut se dire la France se refinance toujours à des coûts très, très bas, alors on pourrait dire que cela n’incite pas forcément à faire des réformes quand on a cette capacité-là, mais est-ce que ce n’est pas artificiel finalement parce que là on arrive quand même à 2000 milliards de dettes, comme vous le disiez, les réformes avancent à un rythme très lent, est-ce qu’il ne va pas y avoir une pression à un moment donné des investisseurs ?

Stéphane Boujnah, Directeur général de la Banque Santander : La perception extérieure, c’est que la dette française reste une des plus liquides de la planète. Elle reste émise par un pays où l’État fonctionne et où donc la capacité à lever l’impôt reste extrêmement efficace par rapport à d’autres pays qui, lorsqu’ils augmentent les taux d’imposition, voient leurs rendements fiscaux s’affaiblir. Il y a des signaux très convergents et assez précis d’orientation sur les réformes, là c’est vraiment… On approche le « test acide » comme on dit en américain de la mise en œuvre de ces réformes, mais pour le moment, pour le moment, les raisons techniques et structurelles permettent d’absorber ces taux dans un monde où la liquidité est abondante et où il y a eu techniquement un petit tassement d’intérêt pour la dette des pays émergents que l’on a tous connu depuis six mois. Je pense qu’il ne faut pas considérer que c’est un anesthésiant qui exonère de la chirurgie. C’est un « Doliprane » avec la puissance et les faiblesses du « Doliprane », c’est que cela soigne la douleur, mais cela ne règle aucun problème structurel.

Web TV www.labourseetlavie.com : Justement, sur les perspectives, est-ce qu’il y a… puisque vous avez parlé de l’Espagne, cela a été rapide, même si sur l’immobilier cela prendra quand même un petit peu de temps…

Stéphane Boujnah, Directeur général de la Banque Santander : Oui, mais cela a pris du temps mais la manière dont cela s’est passé sur l’immobilier, c’est que des provisions massives ont été prises par le secteur financier, le secteur financier s’est consolidé très fortement, il y avait une centaine de «Cajas » quand je suis entré chez Santander en 2010, il n’y en a plus que cinq ou six, et donc il y a une vraie consolidation qui a été le prix à payer par les provisions qui ont purgé un certain nombre d’établissements.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a parlé de l’Allemagne, on a parlé de l’Espagne, cela veut dire qu’en France il y a toujours cette problématique de réformes impossibles. On le dit parfois, on l’écrit, c’est impossible de faire des réformes structurelles en France ?

Stéphane Boujnah, Directeur général de la Banque Santander : Non, je vous donne un avis personnel de citoyen parce que sur ces sujets-là, Santander n’a pas d’opinion en tant qu’organisation, en tant que société du secteur financier. Moi je pense à titre personnel, en tant que citoyen engagé, que nos concitoyens sont beaucoup plus prêts à s’engager dans des réformes structurelles qu’on l’imagine, nos concitoyens sont beaucoup plus  poreux à ce qui se passe sur le reste de la planète, sont beaucoup plus promptes à s’adapter qu’un certain nombre de dirigeants politiques qui sont intellectuellement très enclavés, et c’est normal. Dans toutes les démocraties du monde, les gens qui sont élus sont élus presque parce qu’ils voyagent peu, parce qu’ils restent très proches de leurs électeurs. Et donc c’est très difficile pour des gens, qui par ailleurs ont passé peu de temps, voire pas de temps du tout, dans des entreprises, et peu de temps ou pas de temps du tout à interagir avec des gens à l’étranger, de comprendre cette tectonique des plaques qui pousse à la réforme. De ce point de vue-là, c’est souvent l’explication qui permet de démontrer pourquoi les petits pays ouverts sur la mondialisation des échanges, notamment en Scandinavie, sont plus promptes à la réforme parce que eux n’ont pas le choix, et nous nous avons quelques illusions de taille du marché domestique, de… Donc je crois que… Moi je suis… Je crois qu’il y a une vraie distanciation, incompréhension, entre le pays qui est probablement prêt à faire des réformes, même si pour un certain nombre de secteurs, c’est quand même un gisement de souffrances, ces ajustements, et un mode de décision collective d’organisation qui fonctionne un peu en circuit fermé.

 

© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 18 juillet 2014.

 

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