Philippe Lesueur Gérant Cholet Dupont : "Les tendances de fond demeurent malgré la volatilité actuelle".
Stratégie d'investissement et perspectives

13 février 2016 14 h 56 min
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Bourse : les marchés dans la tourmente, nos invités partagent leurs points de vue.

Macro-économie, valeurs, comment faire le tri entre la peur des investisseurs et la situation réelle des entreprises ?

Mon invité est Philippe Lesueur Gérant Cholet Dupont :

Web TV www.labourseetlavie.com : Philippe Lesueur, bonjour.

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le gérant chez Cholet Dupont. On va parler avec vous de marchés et de perspectives sur ces marchés. Comment vous avez vécu déjà pour commencer ce mois de janvier ? Parce que ça a été quand même avec plus de volatilité, des marchés en forte baisse, des journées un peu compliquées. Quand vous gérez un portefeuille comme ça, vous êtes sur votre écran 24 heures sur 24 ?

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Alors, sur l’écran, on le regarde évidemment tous les jours. Mais est-ce qu’on est sur l’écran 24 heures sur 24 ? Non. Mais ça, ça dépend du style de gestion des uns et des autres. Nous, il est clair qu’on n’est pas du tout dans la logique de trading, donc pas du tout dans la logique du court terme. On investit à un horizon qui reste un horizon d’investissement d’actions et pas de trading, de volatilité ou tout ce qu’on veut. Donc sur le fond, évidemment que c’est beaucoup moins confortable, évidemment que c’est beaucoup plus chahuté, évidemment qu’on doit se poser beaucoup de questions et en même temps, c’est le moment où le fait d’avoir les idées claires et simples finalement fait la différence.

Web TV www.labourseetlavie.com : Quand on analyse ce qui s’est passé, tous les marchés européens ont été affectés de la même manière ou pas ?

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Les marchés mondiaux. Alors, je ne sais pas, on peut faire un résumé rapide parce que finalement, janvier c’est la suite de décembre et de novembre et ainsi de suite. La vraie rupture, c’est pendant l’été 2015 et on pourrait dire qu’une autre rupture, c’était à l’automne 2014, lorsque la BCE a lancé son programme de sport et ça a amené tous les marchés à la hausse d’une certaine manière et puis de façon assez indiscriminée. Il y en a qui en profite plus que d’autres, mais enfin globalement, ça amène les marchés au sens large à la hausse. Et puis au début de l’été. On en est là, ça vient de monter beaucoup. Tout le monde se pose des questions et puis au cours de l’été, la Chine confirme ce que les gens savaient déjà, que l’économie chinoise ralentit, que les perspectives ne sont peut-être pas aussi brillantes que certains l’espéraient et que ça peut impacter par exemple la devise. Et tout d’un coup, il y a des gros mouvements de réallocations de capitaux qui fuient les marchés émergents, qui fuient les matières premières. On confirme aussi que dans cette phase-là, il y a des surcapacités de production dans le pétrole, dans les matières premières, dans les biens d’investissement, donc partout. et donc tout d’un coup, il y a un gros mouvement de panique. Et c’est ça le vrai changement. Et on s’aperçoit que ce qui s’est passé à l’automne, on a baissé beaucoup puis on a rebondi brutalement parce que quand on baisse beaucoup, certains, à tort ou à raison, parce qu’il y a des excès, donc on les compense. Et puis il y a eu un petit, pas un soutien, mais il y a eu une repoussée de la hausse attendue des taux américains. Donc, les gens se sont dit, on a un petit peu de temps. Donc pour les gens qui jouaient à court terme, c’était un peu significatif et puis finalement, c’est arrivé en fin d’année. Et donc, on est dans une période très incertaine, très volatile depuis cette période-là. Et donc janvier, c’est l’exacerbation de la même chose.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, parce qu’on pourrait dire qu’en janvier traditionnellement, enfin historiquement, mathématiquement, il y a un effet janvier. Là, il ne s’est pas produit cette année.

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Oui, peut-être oui.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, parce que les gérants rachètent un peu de nouveaux titres, en général. Effectivement, on a sur une série historique un bon mois de janvier. Ça ne sera pas celui de 2016. Est-ce que du côté des entreprises, parce qu’aujourd’hui, on parle beaucoup un petit peu des questionnements sur les politiques monétaires en disant ça arrive un peu à bout de souffle, mais du côté des entreprises que vous connaissez bien, est-ce que les entreprises finalement s’en sortent pas mal ? Ces entreprises européennes par exemple, est-ce qu’elles sortent du lot ?

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Alors, il y a deux façons d’aborder la question. il y a est-ce que les entreprises s’en sortent bien, autrement dit, est-ce qu’elles continuent à être pérennes, à avoir des stratégies de développement, des stratégies d’amélioration des produits, des process, tout ce que vous voulez, d’une part. Et puis, il y a certaines entreprises évidemment ont plus de difficultés que d’autres. Il est clair que dans les secteurs des matières premières, dans le pétrole, etc., des surcapacités à cumuler sur des années, à un moment donné, créent des problèmes pendant probablement quelques années. Mais ça, ce n’est pas nouveau puisque déjà au 19e siècle, ça arrivait et au 20e siècle, c’est arrivé. Donc, les problèmes de surinvestissement, surcapacité, qui mettent un certain temps à se compenser malheureusement, c’est classique. Alors maintenant, deuxième façon d’aborder le problème, en dehors de ces cas réels, mais qui sont surtout liés aux biens qui demandent des investissements lourds, les marchés boursiers reflètent à la fois la vérité économique et en termes de performance opérationnelle des entreprises, mais également l’écart entre ce qu’ils attendent et ce qu’ils trouvent. Alors plus les attentes étaient élevées, plus d’une certaine manière, ce qu’on trouve est un peu décevant. Mais pour beaucoup d’entreprises qui avaient déjà depuis longtemps été assez prudentes dans leur discours, qui disaient que bien sûr les choses n’allaient pas si mal, mais ce n’était pas non plus l’explosion de croissance, etc., finalement elles ont été pénalisées ou elles ont moins bénéficié des phases de hausse un peu indiscriminées qu’on a vues avant et elles s’en sortent très bien aujourd’hui. Donc les mouvements boursiers, ça reflète autant les écarts entre ce qu’on attend et ce qu’on voit que ce qu’on voit réellement. Donc sous cet angle-là, est-ce que nous, avec un horizon un peu plus lent, un peu plus long, est-ce qu’on est déçu de ce qui a été publié, de ce qu’on nous indique aujourd’hui, etc. ? Pas tellement à vrai dire. Mais on n’était pas non plus sur les endroits où les espoirs étaient très élevés.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a eu pendant longtemps des valeurs européennes censées profiter de ce qui se passait, de cette croissance dans les pays émergents. On a eu cette…

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : C’est toujours vrai.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est vrai, mais peut-être avec une moindre croissance. Aujourd’hui effectivement, il y a des valeurs qui se distinguent vraiment ?

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Ah oui, les valeurs qui se distinguent, en fait les thèmes sous-jacents sont toujours là. Dire que le monde va mal, qu’on va rentrer en récession, que ci que ça, peut-être que oui. Il y a des phases d’accélération, décélération, c’est normal bien sûr. Mais il ne faut pas oublier ce qui change sur le fond, les tendances lourdes. Les tendances lourdes, c’est quoi ? C’est que le monde est de toute façon en phase de globalisation et ça continue. Que dans cette globalisation, il y a quand même l’émergence d’une classe moyenne mondiale un peu plus large qu’elle n’était avant et donc l’accès à certains types de produits, à certains modes de consommation, à certains types de services, qui continue à avancer. Donc ça, ça n’a pas changé. Ça va peut-être un petit peu moins vite, mais ça n’a pas changé. Mais évidemment, si vous aviez parié sur le fait que l’année prochaine on allait faire une usine de voitures supplémentaire en Chine, si elle n’est pas faite, c’est zéro. Mais si vous avez pensé que malgré tout, on consommerait un petit peu plus de yaourts, probablement que oui. Alors, ça ne sera peut-être pas + 5, ce sera peut-être + 4, mais ça ne changera pas la face du monde. Donc ça, c’est un premier thème. Deuxième thème, c’est qu’on est en train de traverser quand même une phase de remise à plat totale des modes d’organisation des entreprises, des modes de consommation, d’éléments sous-jacents à la société. Tout ça est lié à la digitalisation, mais également à la biotechnologie, enfin bref, à la recherche, au développement au sens large. Et ça, ça n’a pas changé. Et donc on a pu voir des sociétés américaines comme Google hier et européennes, comme je n’en sais rien, Sage dans les services aux entreprises, Experian dans le scoring de crédits, etc., qui sont des sociétés qui continuent à avancer, année après année, sur une tendance qui est toujours porteuse. Donc oui, ça l’est un peu plus, un peu moins, mais le changement n’a pas beaucoup évolué.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc, on a des tendances de fond qui peuvent se refléter sur telle ou telle valeur qui en bénéficie, même si la volatilité semble un peu plus présente en ce moment sur les marchés et va continuer dans les prochaines semaines.

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Oui, bien sûr. Mais je pense que pour l’épargnant qui a un horizon d’épargnant, c’est-à-dire quand même quelques années, on va dire, mettons cinq, trois, cinq, voire plus, les tendances de fond sont importantes. Pour celui qui veut au contraire essayer de faire une succession de coups boursiers, d’opérations de trading, etc., d’arbitrages, tout ce qu’on veut, évidemment la volatilité, c’est à la fois une opportunité et un risque. Mais ces tendances de fond, elles sont toujours là et ça n’a pas changé.

Web TV www.labourseetlavie.com : De votre point de vue, le mot de la fin peut-être rapidement. Est-ce que vous diriez aujourd’hui qu’il y a des sociétés, des valeurs qui sont sous-évaluées encore ?

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Sous-évaluées, c’est un problème compliqué parce que ça suppose qu’on sache mettre un prix aux choses, donc ça suppose qu’on soit capable d’arbitrer tous les paramètres qui définissent le prix. Donc nous, ce n’est pas un critère qui est nécessairement déterminant. Mais les entreprises qui finalement ont des perspectives de croissance qui sont une fois et demie ou deux fois, la croissance de l’économie générale et qui sont valorisées avec un prix qui correspond à ça, dans un environnement de taux où les taux d’intérêt à long terme sont finalement très bas, oui, il n’y a pas de problème. D’ailleurs, ce n’est pas celles-là qui ont nécessairement le mieux performé pendant que les marchés étaient excités, mais c’est celles-là qui tiennent le mieux quand ça va moins bien.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Philippe Lesueur.

Philippe Lesueur – Gérant Cholet Dupont : Je vous en prie.

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