Gérard Moulin Gérant Amplegest : "Si on a du cash, il faut le garder".
Stratégie d'investissement

13 février 2016 15 h 04 min
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Bourse : les marchés dans la tourmente, nos invités partagent leurs points de vue.

Macro-économie, valeurs, comment faire le tri entre la peur des investisseurs et la situation réelle des entreprises ?

Mon invité est Gérard Moulin Gérant Amplegest 

Web TV www.labourseetlavie.com : Gérard Moulin, bonjour.

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes gérant chez Amplegest. On va parler avec vous bien sûr de ces marchés financiers et des perspectives sur ces marchés. Alors, on est, après un mois de janvier déjà difficile, à nouveau au mois de février avec des craintes du point de vue des investisseurs en tout cas, quand on voit les baisses quotidiennes des indices. Est-ce qu’on est dans une période un peu de krach boursier en ce début d’année ?

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Oui, on l’est dans le sens où c’est très brutal et il n’y a pas de consolidation. Il n’y a quasiment pas de séance où on a les moyens de faire un plateau. Alors là-dessus, si vous voulez, je crois qu’il faut être clair, il faut que tout le monde le sache. L’Euro Stoxx 50 est un instrument de couverture pour les gestions obligataires. Il faut partir, je pense, de ce postulat parce que si on cherche des raisons rationnelles chaque jour en disant, « Tiens, il n’y a pas eu de nouvelles, il n’y a rien sur le PIB, il n’y a rien Chinois ou Américains, il n’y a rien dans d’autres domaines. Pourquoi est-ce qu’on baisse de cette façon ? », en fait, ce n’est pas ça le problème. Sans rentrer trop dans les détails techniques, vous savez que les CDS s’affolent aujourd’hui, credit default swap, sur les corporates, donc les entreprises et c’est un marché qui n’est pas du tout liquide. Donc la façon pour un obligataire de se couvrir sur son portefeuille de taux, c’est de shorter l’Euro Stoxx 50 parce qu’il est très liquide. Voilà, c’est tout.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc, on reprend un sujet de liquidité sur certains actifs.

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Oui. Et d’ailleurs, ce qui est intéressant, c’est qu’au niveau des notations officielles, des nomenclatures, j’entends d’année en année, comme tout le monde, que les actions sont des actifs risqués, mais qu’est-ce que je constate ? C’est que l’obligataire est considéré comme peu risqué et que finalement, dès qu’il y a un stress de marché, c’est la couverture sur le marché action qui permet aux gérants obligataires de cacher la misère, cacher la poussière sous le tapis. Quand vous êtes sur des titres, en plus l’AMF recommande d’être au moins cinq ans sur les titres, c’est normal. Parfois, vous gagnez encore malgré la baisse 30, 40 ou 50 %, malgré la baisse actuelle. Je ne vais pas dire que ça fait plaisir, mais vous sortez à – 15 depuis le début de l’année, vous gagnez encore 40 % sur cinq ans et vous êtes sorti, vous avez pu récupérer de l’actif. Vous avez pu monétiser. Donc, c’est un vrai débat sur la notion de risque qui est ouvert aujourd’hui. Et le problème, c’est que les gérants, les gestions action, pâtissent de ce manque de liquidités obligataires.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, en même temps, on peut dire aussi qu’on a complètement changé, en tout cas officiellement, d’univers. Puisqu’en fin d’année dernière, tout avait l’air de fonctionner. On avait un euro qui était, par exemple pour la zone euro, un euro faible. On avait le pétrole qui était faible. On avait les banquiers centraux qui étaient là, donc on avait un alignement des planètes qui nous était vendu par pas mal d’investisseurs en disant, en tout cas pour la zone euro, ça va bien. Et là, on voit aussi qu’elle est attaquée comme d’autres marchés.

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Alors, elle est attaquée pour les raisons que je viens d’évoquer. Elle est attaquée boursièrement. Au niveau des fondamentaux, on n’a pas d’effondrement économique. Les chiffres quand même hier soir, au niveau de la production industrielle, n’étaient pas brillants, je vous le concède. Mais c’est très exagéré. C’est très exagéré franchement. On va voir qu’il y aura des rebonds de marchés forts dans les mois qui viennent. Par contre, je pense qu’il faut toujours avoir présent à l’esprit que ce n’est pas la peine de chercher le point bas du point bas pour revenir. Si on a du cash, il faut en garder. Si on commence à revenir, il faut le faire par palier. On prend une enveloppe globale et puis on investit 1/5e maintenant, 1/5e dans un mois et ça se passe très bien. On enlève du stress. Parce que si on cherche à revenir « au bon moment », on ne le trouvera pas.

Web TV www.labourseetlavie.com : On est quand même dans une période un peu compliquée puisque finalement jusqu’ici, on disait que les banquiers centraux avaient fait le nécessaire, que cette baisse de taux avait permis un certain nombre de choses. On voit que maintenant, même aux États-Unis, on dit « Il ne va peut-être pas y avoir une nouvelle hausse de taux, vu le contexte ». On a vu ce qu’a dit Janet Yellen récemment. On voit que la Banque Centrale Européenne est en train de réfléchir à ce qu’elle peut faire à nouveau, au mois de mars. Ça veut dire qu’il y a des limites à ce que peuvent faire les banquiers centraux ?

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Il y a des limites, c’est sûr. Maintenant, si on parle de l’économie mondiale, c’est quand même ce qui a plus performé 3 ou 3,5 de croissance. Quand vous prenez la carte du monde des pays émergents, certes, la Chine, c’est 30 % de la croissance mondiale, mais vous avez des zones qui sont encore en croissance. On parle toujours des mêmes, des briques, mais vous avez toute une constellation de pays africains ou même asiatiques qui sont en croissance entre 3 et 5 %. Et ce qui m’horripile un petit peu pour tout vous dire, c’est que dans le monde financier, on confond pourcentage et masse. Et ça, c’est très pénible. Alors, je m’explique tout de suite. La Chine, si elle croît de 4 %, partons de ce postulat qui est assez bas, sur un PIB de 10 000 milliards de dollars, vous avez 400 milliards de création de richesses. Il y a dix ans, le PIB chinois était de 2 000 – 2 500 milliards. Donc, on avait une croissance de 15. Ça nous fait à peu près 300 milliards de création de richesses. Mais à l’époque, on disait évidemment tout dépend de la Chine, elle est en hyper croissance, c’est là que ça se passe. Et là, on a l’impression que c’est mort. Mais quand vous regardez en masse, la création de richesses aujourd’hui de la Chine est supérieure à ce qu’elle était il y a dix ans. Or, qu’est-ce qui compte pour une entreprise occidentale ? Ce n’est pas le pourcentage. On s’en fiche. Le patron de Valéo ou de Legrand ou un banquier, un assureur, il s’en fiche. Ce qui compte, c’est le taux d’équipement. Ce que j’appelle le taux d’équipement, c’est le pourcentage de la population qui est équipée comme un Occidental, aussi bien en services qu’en produits. Et là, ce n’est plus du tout la même histoire. Vous voyez qu’il y a encore énormément de choses à faire. C’est pour ça, tout d’un coup, les gens se réveillent en disant, mais c’est bizarre, ce chef d’entreprise nous dit qu’il y a toujours des choses à faire en Chine. C’est ça le truc.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est qu’il y a une déconnexion en ce moment, on pourrait dire, entre la sphère financière telle qu’elle réagit au jour le jour et ses inquiétudes au jour le jour et la réalité de l’économie ?

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Moi, je suis inquiet. Il faut vraiment que les financiers se ressaisissent. C’est grave de confondre un pourcentage avec des masses. Les chefs d’entreprise l’expliquent très bien. Alors après, il y a des analystes qui disent, « Finalement, je reviens de réunion avec le CEO de Valéo et puis il me dit quand même que c’est vrai que c’est un peu plus compliqué, mais ils vont nous faire du 2, 3, 5 % en Chine facile, voire plus, au S2. Donc finalement, c’est vrai que par rapport au PIB chinois, c’est bien. » Mais c’est ça la raison.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc, ça veut dire…

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Il faut qu’on se ressaisisse là. Il faut qu’on reprenne nos esprits.

Web TV www.labourseetlavie.com : En même temps effectivement, on voit des variations au jour le jour de certaines valeurs qui peuvent faire peur.

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Alors ça, c’est autre chose. Les variations boursières, c’est autre chose.

Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, ça peut faire peur, même sur des bons dossiers.

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Attention ! Je me permets d’insister entre macro-économie et marchés boursiers, les marchés boursiers, j’ai essayé de m’en expliquer tout à l’heure, c’est vraiment des questions de couverture sur indice, donc qui est complètement déconnectée et on a un truc violent. On a de la violence dans le marché. C’est impressionnant. Et puis on a la macro-économie. Donc, on souffre parce qu’on est financier, on investit pour nos clients et que ça se passe mal. Mais de dire oui, c’est normal, parce qu’on risque une récession aux États-Unis et parce que la Chine va moins bien, le raccourci est beaucoup trop rapide. D’ailleurs, ce qu’il faut aussi noter, c’est qu’on vit des années historiques positives en Europe, au moins celle-là et celle qui vient. Pour une raison très simple. Regardez le nombre de sociétés chinoises qui biddent sur des sociétés européennes parce que justement, on a la preuve, Gamesa et Siemens vont se rapprocher pour créer le numéro un mondial des éoliennes, le numéro deux mondial va être aussi un Européen puisque l’actuel numéro un, c’est Vestas. Les Européens ont 25 % du marché de l’éolien dans le monde, ce qui n’est pas rien à ce moment puisque c’est un des rares marchés en croissance, en forte croissance. Mais pourquoi ? C’est parce que les Chinois sont très forts. Ça va aussi dans le sens de ce que je disais. C’est que les Chinois dans l’éolien, c’était 50 milliards d’investissements l’année dernière. Cette année, ils vont faire 70 tranquillement. Donc, on a intérêt à être très costaud avant qu’ils déboulent sur le marché, comme ils l’ont fait sur le solaire. Tous ces indicateurs de M&A nous montrent que la Chine n’est pas du tout enterrée.

Web TV www.labourseetlavie.com : Eh bien, ça sera le mot de la fin. Merci Gérard Moulin.

Gérard Moulin – Gérant Amplegest : Merci beaucoup.

 

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