Jérémy Aras Gérant Privé Institut du Patrimoine : "On a un biais pétrolier et on suit la dette des Etats".
Bourse : Evolution de la stratégie d'investissement

22 mai 2016 13 h 23 min
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Dans notre rubrique Bourse, Avis d’Experts,

Nous faisons un tour d’horizon des classes d’actifs, de la politique monétaire, du sujet pétrole, et de la stratégie d’investissement.

Dans un marché plutôt attentiste, quel regard sur le comportement des investisseurs et les opportunités ?

Mon invité pour en parler est Jérémy Aras Gérant Privé Institut du Patrimoine.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Jérémy Aras, bonjour.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Bonjour Didier.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes gérant privé à l’Institut du Patrimoine. On va parler avec vous de marchés et de perspectives sur ces marchés. Comment vous abordez la période actuelle ? On la sent un petit peu compliquée pour les investisseurs, après déjà deux mois effectivement un peu saignants sur certains marchés. Est-ce qu’aujourd’hui, c’est plus calme ? Est-ce qu’il y a de la visibilité ou on est toujours un petit peu dans un entre-deux ?

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on vit vraiment une période extraordinaire sur les marchés financiers. On a une volatilité très importante et en fait, le marché a été drivé tout au long, de la fin de l’année et ce début d’année, par l’effondrement vraiment spectaculaire des prix de l’or noir, le pétrole, puisqu’on était aux alentours de 115 dollars en automne 2014 et on est descendu à moins de 30 dollars début février. Donc, ça a vraiment drivé les marchés financiers sur le début d’année et la fin de l’année dernière. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, le baril de pétrole a rebondi déjà. On est quasiment à 50 dollars, donc ça a vraiment fait une reprise, une reprise des marchés, ce qui a stabilisé un petit peu les marchés financiers et la conjoncture à court terme.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’était le facteur pour vous le plus inquiétant, en tout cas pour les investisseurs, ne pas savoir où allait ce marché pétrolier ?

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Oui, très clairement. En fait, sur le pétrole, ce qu’il faut savoir, c’est qu’on a un peu vécu, à l’inverse, le choc pétrolier des années 70. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais en 1973, avec la guerre de Kippour et en 1979 avec la guerre, le conflit en Iran et en Irak, un peu le roi du pétrole, l’Arabie Saoudite avait décidé des mesures extraordinaires finalement. Ils avaient décidé de couper l’offre de pétrole. Soudainement, comme le pétrole avait été coupé, le baril de pétrole avait accru de manière assez massive et du coup, toute l’économie avait subi le fait de l’augmentation du prix de l’essence et l’augmentation du prix du baril de pétrole, entrainant vraiment deux chocs pétroliers très importants et spectaculaires. Ce qui est très intéressant aujourd’hui sur la conjoncture, c’est qu’on vit la même chose et donc les marchés financiers ont vraiment craint un nouveau choc pétrolier et cette fois-ci inversé. L’Arabie Saoudite, à nouveau toujours leader mondial sur tout ce qui est baril de pétrole à la production, a décidé d’inverser sa tendance par rapport à 40 ans préalablement et cette fois-ci a décidé finalement d’inonder le marché de barils de pétrole. Cette inondation a entrainé un surplus de production d’à peu près 2 millions de barils par jour et donc a entrainé vraiment une baisse spectaculaire du prix du pétrole où d’un seul coup, on avait une offre bien supérieure à la demande entrainant toujours plus bas, bien entendu, le prix du baril de pétrole.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors en même temps, on pourrait dire qu’on n’en a pas tant profité que ça, si on regarde les marchés, si on regarde l’Europe. On nous disait que l’euro était bas, le pétrole était bas, que c’était le fameux alignement des planètes, on ne l’a pas vu, en tout cas pour l’investisseur.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Pour beaucoup de gérants, ça a vraiment été justement ce discours d’alignement des planètes. Pétrole bas, euro faible, taux de financement extrêmement favorable, c’est le moment où jamais d’y aller sur les marchés financiers. Et puis en plus, on avait les politiques des banques centrales et c’est ce qu’on va revoir et notamment sur le discours de Mario Draghi extrêmement favorable. Malgré tout, on n’en a pas profité sur les marchés financiers parce que justement, ce point noir d’effondrement du baril de pétrole et la possibilité d’aller encore plus loin de la part de l’Arabie Saoudite sur cet excès d’offre ont vraiment entrainé une inquiétude majeure sur les marchés financiers.

Web TV www.labourseetlavie.com : Aujourd’hui, on est plutôt perdant pour la plupart du temps sur les marchés actions. On voit des taux négatifs. Pour l’investisseur, c’est quand même compliqué de se dire où je vais investir dans les prochains mois. Il est quand même un peu… s’il prend du risque en tout cas, ce n’est pas évident.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : En fait, un investisseur particulier aujourd’hui, il a intérêt d’être extrêmement avisé. C’est pour ça qu’on passe souvent par des professionnels qui font ce métier au quotidien et déjà pour certains professionnels, c’est un peu compliqué. Aujourd’hui, c’est passionnant. Quand vous dites taux d’intérêt négatif, dans nos leçons, dans les cours qu’on a appris, on n’avait jamais appris le fait que finalement en plaçant de l’argent, on allait peut-être payer pour avoir le droit de placer de l’argent, ce qui est le cas aujourd’hui sur de la dette allemande à quasiment échéance 10 ans, ce qui est le cas sur la dette française à échéance cinq ans. Donc aujourd’hui, un investisseur, pour certaines parties de ses actifs, doit payer pour avoir le droit de placer de l’argent. Donc oui, sur certains actifs, ça peut être compliqué. Après, ce qu’il faut savoir justement, quand il y a une période compliquée, il y a des choses qui sont extrêmement intéressantes. Et nous par exemple à l’Institut du Patrimoine, ce qu’on fait de manière régulière, c’est qu’on va toujours investir là où les marchés finalement fuient et vendent là où les marchés sont en hausse. Donc depuis le début de l’année, on a vraiment un biais extrêmement pétrolier notamment et on suit de très près la dette des États.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, le pétrole vraiment a été au centre pour les investisseurs, avec à un moment donné même une corrélation, c’est-à-dire le pétrole montait, les marchés actions montaient. Et là, on sent que récemment, ça a commencé une décorrélation où effectivement ce n’était plus le cas. Mais à un moment donné, il fallait suivre ce que faisait le pétrole.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Vous avez tout à fait raison. C’était même le pétrole qui drivait le marché financier. Pendant quatre mois, vraiment de novembre à février, on a eu ce driving pétrolier parce que justement c’était quasi dramatique. Quand on voit les sociétés américaines qui se finançaient avec le gaz de schiste aux alentours de 100 dollars pour la revente de leur pétrole et qu’en six mois, finalement, le baril de pétrole s’effondre de 50 %, la plupart sont KO. Le seuil de rentabilité aujourd’hui, la revente de production pétrolière, était inférieure finalement à leurs coûts, donc ça devenait compliqué. Depuis, on a eu un vrai rebond du baril de pétrole, ce qui a un peu soulagé les marchés financiers, et puis on a eu surtout, l’évènement majeur, c’est le discours de Mario Draghi en mars de cette année, le 10 mars pour être exact, qui a vraiment soulagé encore une fois les marchés financiers, notamment l’Europe, avec son discours, encore une fois, très favorable.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, on a aussi bien sûr la Réserve Fédérale Américaine qui donne un peu le la. Et il y a des questions sur le mois de juin, une hausse de taux au mois de juin, une hausse de taux. À la fois, c’est acté par le marché, en même temps, on n’est pas sûr que le marché réagisse bien quand ça arrivera.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Oui. Enfin, ce qu’il faut savoir, c’est… prenons un cas factuel. Qu’est-ce qu’a fait Mario Draghi au mois de mars ? Mario Draghi a mis des mesures encore plus fortes que précédemment. Une mesure déjà qui est très intéressante, c’est qu’il propose tout simplement aux banques d’emprunter gratuitement. Il a baissé ce qu’on appelle son principal taux directeur à 0 %. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les taux de financement des particuliers, comme vous et moi, permettent d’emprunter de moins en moins cher. C’est grâce notamment au discours de Mario Draghi. Deuxièmement, il a mis des facilités de dépôt qui sont négatives. Ça veut dire qu’aujourd’hui, une banque va payer une taxe si elle laisse ses liquidités au quotidien. Pour forcer justement les banques à emprunter et à placer, prêter de l’argent aux particuliers et non pas au sein de la Banque Centrale Européenne. Un troisième sujet qui était extrêmement important du côté de Mario Draghi, c’est que pour la première fois de l’histoire, en plus de prêter aux États, ils ont décidé de prêter aux entreprises privées directement, les plus belles sociétés, les investissements grade côté AAA et donc ça a un effet majeur. Enfin, une injection de liquidités de 80 milliards d’euros pour soutenir les États et leur dette au lieu des 60 milliards. Ça fait une belle croissance. Donc voilà, c’est des discours extrêmement favorables.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous ne m’avez pas répondu sur la FED, puisqu’on parlait de la FED et ce risque potentiel effectivement d’une hausse de taux pour les marchés actions.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Je voulais faire un état factuel au niveau de la Banque Centrale Européenne. De l’autre côté, on a Janet Yellen, présidente de la Réserve Fédérale Américaine où finalement aujourd’hui, les États-Unis sont coincés. Ils sont coincés parce qu’il faut absolument à un moment donné qu’ils remontent les taux, mais en même temps, ils se rendent compte que leur croissance économique, finalement prévue à 2 % aujourd’hui, n’est pas une croissance non plus extraordinaire et qu’en remontant à un moment donné leurs taux, bien entendu, il va y avoir un effet positif sur le dollar et un effet positif sur le dollar, c’est-à-dire que le dollar se renchérit par rapport aux autres monnaies, peut être négatif pour leurs entreprises.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Jérémy Aras.

Jérémy Aras – Gérant Privé Institut du Patrimoine : Je vous en prie, Didier. Merci à vous.

 

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