Patrick Legland Directeur Recherche Globale Société Générale : "Les marchés ont besoin de souffler dans les prochains mois".
Tv Bourse : Actualités économiques et financière : perspectives d'investissement

12 juin 2014 15 h 51 min
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Après la décision de la BCE, comment les investisseurs ont perçu la communication de Mario Draghi ?

Economie américaine, liquidité, politique de la Fed, marchés émergents, zone euro, tour d’horizon des sujets qui intéressent les investisseurs.

Mon invité est Patrick Legland Directeur Recherche Globale Société Générale.

Web TV www.labourseetlavie.com : Patrick Legland, bonjour. Vous êtes directeur global de la recherche la Société Générale. On va parler avec vous de marchés financiers et de perspectives sur ces marchés. Ce qu’attendaient les investisseurs, bien entendu, c’était ce qu’allait dire la Banque centrale européenne, donc c’est dit, Mario Draghi a donné de nouvelles indications, baisse de taux, nouveaux moyens mis en œuvre par la BCE. Est-ce que pour vous, ces moyens vont changer peut-être le regard des investisseurs sur les marchés ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : Il y a en fait deux réponses. Sur le très court terme, je dirais malheureusement il n’y a pas grand-chose de concret à attendre car ce sont des mesures un petit peu longues. Par contre, ce qui était vraiment le mandat de la BCE hier je pense, c’est de bien indiquer que le risque de déflation à moyen terme était sous contrôle c’est-à-dire en clair qu’il y ait une inflation dans les deux ou trois ans qui viennent, ça à la limite… ce qui est important, c’est la logique de 2 % de moyenne pour la BCE. Par contre, ce qui est très important maintenant pour les marchés, c’est que M. Draghi s’est saisi du sujet et la BCE est prête vraiment à mettre en place tous les moyens pour éviter ce risque de déflation qui est quand même bien présent.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc le risque quelque part où cette situation à la japonaise, comme disent souvent les économistes, ce risque potentiel aujourd’hui s’éloigne ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : Oui c’est-à-dire qu’en fait, ce qu’il faut éviter dans la structure économique, c’est que les acteurs économiques retardent des décisions se disant les prix vont baisser, donc il faut immédiatement arrêter cela. Alors après, il y a d’autres mesures qui ont pour but de remettre si nécessaire de la liquidité dans le système, mais je dirais qu’aujourd’hui la BCE met en place un cadre qui serait favorable dans la reprise, mais la BCE ou M. Draghi qui n’est pas magicien qui peut activer les acteurs économiques comme des marionnettes. Donc très clairement, il faut après qu’il y ait de la demande et cette demande sera peut-être stimulée par d’autres acteurs comme la BEI ou d’autres intervenants en Europe.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’il n’y avait pas justement peut-être un peu trop d’attentes des investisseurs c’est-à-dire qui… comme effectivement lors des dernières interventions assez fortes de Mario Draghi, ils s’attendaient peut-être à trop de mesures efficaces ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale :  C’est-à-dire que où il y a peut-être une  contradiction, c’est  que les acteurs   sur le marché s’attendent à un  résultat quasi  immédiat  c’est-à-dire  en clair, M. Draghi parle, tout le monde regarde le niveau de l’euro. Mais de toute façon ce sont des mesures assez longues, point N° 1, et point N° 2, de toute façon il est nécessaire que l’économie réelle reparte. Et cette économie réelle pour qu’elle reparte, je pense qu’il y a deux mesures potentielles, c’est quelque part de contraindre ou de recommander notamment aux Allemands de réinvestir dans les excédents courants dans les pays périphériques, premier point,  deuxième point que les pays, je dirais, plus classiques dans la zone euro, et notamment la France, fassent les réformes structurelles pour regagner en compétitivité. Si on a ces deux éléments et un cadre favorable au niveau du financement, là on aura une reprise.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Cela pose la question de la valorisation de ces marchés, est-ce que l’on n’est pas aujourd’hui… ces valorisations qui ne correspondent pas finalement, qui sont peut-être trop optimistes par rapport, justement, quand vous parliez de la France, quand on a vu cette croissance nulle, on dit que souvent les marchés anticipent, est-ce que là ils n’ont pas été un peu trop rapides ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : En fait, alors, à court terme oui, je dirais que pour prendre le jargon boursier, les marchés ont besoin de souffler un petit peu dans les prochains mois, mais néanmoins les marchés en fait ne sont pas si chers que cela c’es-à-dire que quand on regarde les rations en termes de… ce que l’on appelle le Price to Book c’est-à-dire la valorisation de l’action comparée aux capitaux propres, la valorisation reste très, très modérée, premier point. Deuxième point, les entreprises européennes ont enlevé de la dette, se sont deleveragées, et ça, ça fait baisser leur rentabilité des capitaux propres c’est-à-dire qu’en clair, si la confiance revenait, les entreprises remettent un petit peu de dettes, bien sûr cela ferait remonter la rentabilité de leurs capitaux propres et ce serait favorable. Bien sûr, le risque maintenant, et vous avez je pense certainement  raison malheureusement, c’est que l’on peut avoir dans les prochains trimestres des résultats qui vont décevoir un petit peu, peut-être des profits warning, et donc il y aura peut-être un peu de consolidation.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Si on passe de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, là on est sur un autre schéma aujourd’hui, mais est-ce que l’on a un peu plus de visibilité parce que là on pourrait dire aussi, les indices ont été au plus haut, il y a eu record sur record, et on attend encore beaucoup de l’économie américaine.

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : Vous avez tout à fait raison. En fait, ce que l’on a observé sur les États-Unis, c’est que, depuis l’après-guerre en fait, à chaque fois que les taux ont été sensiblement inférieurs à la croissance nominale, on a créé une bulle, et c’est ce qui s’est passé sur les marchés c’est-à-dire que finalement les marchés américains ont très fortement monté, oui l’économie l’américaine a repris un peu, bien sûr ils ont des conditions en termes d’énergie, de taux qui sont favorables, mais le marché américain est quand même déjà très bien valorisé c’est-à-dire que si il y avait un risque de correction majeure, il viendrait des États-Unis. C’est peut-être un petit peu tôt pour être alarmiste, mais c’est comme, je dirais, un clignotant rouge à surveiller très sérieusement.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : On avait eu au cours des derniers mois bien sûr aussi des crises sur les pays émergents, liées notamment à cette politique monétaire américaine, en tout cas c’était le commentaire que l’on pouvait lire, est-ce qu’aujourd’hui on a plus de visibilité sur ces marchés émergents ou pas ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : En fait non, non parce que l’on a toujours un, un  besoin de réformes structurelles sur ces marchés émergents c’est-à-dire que simplement le début du tapering, fait que les liquidités sortent de ces marchés émergents et les problèmes réapparaissent, c’est le premier point. Deuxième point, les acteurs privés sont quand même très endettés dans beaucoup de pays émergents, donc ça c’est le deuxième sujet. Et puis, troisième sujet, on a une croissance chinoise comme le gros moteur, notamment Asie et pays émergents, croissance chinoise qui était alimentée par de la dette sur les investissements publics, ça, cela crée ce que l’on appelle le shadow banking c’est-à-dire une dette finalement qui est un petit peu cachée ou qui n’apparaît pas complètement, qui devra se dégonfler. Donc quelque part, les marchés émergents sont un facteur de risque, risque qui pourrait se matérialiser quand les taux américains remonteront.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc là, pas forcément un potentiel ou en tout cas pas forcément pour les investisseurs une idée d’investissement malgré que si ils regardaient les marchés américains, on a dit au plus haut, l’Europe pas loin, aller sur les marchés émergents, ce serait pourtant un coup à jouer ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale :  C’est vrai. Alors en fait, finalement, nous, dans ce que nous recommandons en termes d’investissement, très certainement l’Europe du Sud conserve certainement notre faveur c’est-à-dire des pays comme l’Italie qui ont fait des réformes, comme l’Espagne notamment, sont certainement les pays qui devraient le plus bénéficier de cette « reprise » sur l’Europe, et puis deuxième point, la sphère financière devrait a priori, notamment en Europe, devrait bénéficier des mesures qui ont été annoncées par la BCE, sous réserve bien sûr que l’on ait, à un moment ou à un autre, une reprise qui apparaisse. Donc, le secteur bancaire est certainement, demeure très attractif.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : On a eu effectivement dans les sujets également le Japon puisque là on parlait de risque de déflation, le Japon, on a eu des nouvelles mesures économiques qui ont été prises, est-ce qu’aujourd’hui il y a… Il y a ceux qui ont raté le Japon clairement, est-ce qu’il y a un potentiel sur les actions au Japon ou pas ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : Je serais… Nous sommes… Il y a certainement peut-être un rebond à jouer, mais je suis assez prudent sur le marché japonais, pourquoi ? Parce qu’en fait il y a finalement deux types d’inflation. Vous avez l’inflation qui vient de la demande réelle, mais pour que la demande réelle soit stimulée, il faut des consommateurs. Pour qu’il y ait des consommateurs, il faut de la démographie, mais ça c’est le problème sur le Japon. Et deuxième point, il y a une inflation qui est « réactivée » par la hausse des actifs financiers, mais ça c’est dangereux, et au niveau des taux, si les taux se tendent un petit peu, ce serait très risqué. Donc on craint qu’à un moment ou un autre, la bulle japonaise se dégonfle et cela peut être compliqué.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Un mot pour terminer sur les  devises. On parlait de la BCE, finalement n’a  pas vu  l’euro baisser, on  aurait pu se  dire « tiens, l’euro aurait pu aller un peu plus bas », il y a des risques sur les devises dans les prochains mois compte tenu peut-être de politiques divergentes de banques centrales ?

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : Écoutez, je crains malheureusement que l’euro reste fort c’est-à-dire l’euro il y a deux éléments, des excédents courants qui restent importants sur un certain nombre de pays de la zone euro, et deuxième point, une masse monétaire qui est quand même beaucoup moins en expansion que celle des États-Unis, du Japon, la Grande-Bretagne. Donc l’euro va certainement rester fort. On aura peut-être un petit rebond de la monnaie américaine par rapport notamment aux pays émergents, mais je crains que l’on ait un peu de statu quo sur les monnaies et notamment pour l’euro.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Patrick Legland d’avoir fait le point avec  nous.

 

Patrick Legland, Directeur de la recherche globale à la Société Générale : Merci beaucoup.

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