Marie-Anne Allier Responsable Gestion Taux Amundi : "Il y a une vraie inquiétude sur la croissance mondiale".
Stratégie et perspectives sur les marchés obligataires

26 octobre 2014 17 h 40 min
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“Ce qui tire ces marchés obligataires ce sont les mauvaises nouvelles” nous dit Marie-Anne Allier Responsable Gestion Taux Amundi.

Si les investisseurs pensaient à une hausse des taux, en début d’année, il y a désormais une “vraie inquiétude sur la croissance mondiale” qui impacte les marchés.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Marie-Anne Allier, bonjour. Vous êtes responsable de la gestion taux euros chez Amundi. On va parler avec vous de ces marchés obligataires avec, on peut le dire, des marchés qui nous réservent des surprises, en tout cas en cette année 2014 avec de la performance que, pour beaucoup de gérants, effectivement il fallait mettre de côté ces marchés finalement, il y a plutôt une bonne surprise, qu’est-ce qui tire ces marchés ?

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : Alors, ce qui tire ces marchés, ce sont des mauvaises nouvelles un peu c’est-à-dire une croissance de la zone euro qui n’est toujours pas là, une situation de la zone euro qui est toujours suffisamment compliquée et qui pousse les banques centrales, et en particulier la Banque centrale européenne, à injecter des liquidités dans ces marchés, et d’une inflation qui ne repart pas. Donc c’est un climat qui est plutôt favorable aux actifs obligataires et je crois que vous avez raison de le souligner, en début d’année, on pensait tous à une hausse des taux et la surprise a été grande de voir que le bund aujourd’hui, le taux à 10 ans allemand, aujourd’hui est plutôt aux alentours de 0,80, mais même dans des zones où cela va plutôt mieux, si on pense au UK, aux US, la hausse des taux tant attendue n’était pas au rendez-vous. Je pense qu’il y a une vraie inquiétude aujourd’hui sur la croissance mondiale et sur une inflation qui n’est pas là.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc quelque part ce sont ces questions macro-économiques qui ont primé. On est en train de revoir peut-être le scénario initial de reprise de la croissance économique mondiale ou en tout cas telle que l’on l’envisageait il y a encore quelques mois ?

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : Il y a la réalité et puis il y a l’anticipation. L’anticipation, très certainement les marchés aujourd’hui sont en train un peu de jouer à se faire peur sur la croissance mondiale, on verra ce qu’il en est. Ce n’est pas parce que les marchés ont peur que la réalité sera aussi noire qu’ils essaient de nous la décrire aujourd’hui. Mais c’est clair que la croissance mondiale, et la Chine fait souvent les gros titres pour une croissance qui n’est que de 7 ou de 7,5, on n’a pas la croissance mondiale que l’on estimait. Et je pense que sur les marchés obligataires il y a une deuxième raison qui pousse les taux à la baisse, c’est l’environnement réglementaire. On est aujourd’hui dans un environnement réglementaire où les régulateurs poussent les banques à posséder de plus en plus d’actifs dits liquides qui sont en fait des actifs obligataires. Les régulateurs assuranciels poussent les assurances à posséder beaucoup plus de fixed income et d’obligations que d’actions. Et tout cela fait qu’il y a beaucoup de gens qui cherchent à acheter des actifs obligataires et en face, finalement, quoi que l’on en dise, de moins en moins de gens qui émettent et il y a donc un déséquilibre offres-demandes au bénéfice de la demande qui fait que l’actif se renchérit et donc que les taux baissent.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc finalement des flux importants qui ont contribué encore plus à ce mouvement-là ?

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : Exactement. Des flux d’investisseurs qui, que ce soit pour des raisons réglementaires, que ce soit pour des raisons de crainte, fondées ou infondées, encore une fois, sont en train de pousser les taux à la baisse un peu partout dans le monde. Cela n’est pas un phénomène qui est uniquement un phénomène européen. On le voit aux US où le 10 ans n’est absolument pas à des niveaux qui sont a priori compatibles avec une inflation entre 1 et 2 % et une croissance au-delà des 2,5.

Web TV www.labourseetlavie.com : Cela veut dire peut-être que, même si on atteint ces niveaux, vous l’avez rappelé, sur le bund aussi faibles, on va peut-être encore aller plus bas que ce que l’on imaginait c’est-à-dire des choses que l’on n’a jamais vues encore ?

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : Alors, il y a encore pas très longtemps, je vous aurais dit « quand même, 0, c’est un minimum ». Maintenant on est beaucoup plus prudent puisque on sait que les taux négatifs peuvent arriver, et même sur des durées plus longues que le jour le jour. Cela dit, non, je pense qu’il y a un moment donné ou avant que le bund passe très fortement en négatif, on aura d’autres actifs qui vont en bénéficier. Dans les autres actifs, je pense en particulier au crédit Corporate, je pense aux autres pays de la zone euro, aux autres pays hors zone euro, quand on parle des pays, par exemple, de l’Europe de l’Est, il y a d’autres actifs qui ont ces caractéristiques obligataires que recherchent les gens et qui seront là avant que l’on emmène un bund à 10 ans aux alentours de 0,50 ou 0,30 ou 0,20 auquel… cela n’est pas notre scénario central, voilà. Maintenant, est-ce que le bund va remonter brutalement vers 2 % ? Non, cela n’est pas non plus notre scénario. On est, je crois, dans un environnement de taux bas qui est appelé à rester bas pendant longtemps, il va falloir s’habituer à cela et, en tant qu’épargnant, il va probablement falloir s’habituer à avoir des taux qui ne sont pas les taux que l’on avait l’habitude d’avoir avant.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des pays périphériques, toujours dans cette zone euro, il y a, à un moment donné, effectivement cela avait été meilleur sur ces pays périphériques, au point presque où, on n’en oubliait pas le risque, mais on pouvait se dire Italie, Espagne… c’était impressionnant ce mouvement…

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : On est toujours là-dedans puisque finalement l’Espagne, en taux absolu et même en spread, est sur ses niveaux les plus bas, post-crise, c’est-à-dire niveaux les plus bas depuis 2011, l’Italie se porte très bien, le Portugal est revenu. Je pense que les marchés n’ont pas totalement oublié qu’il y avait un risque de remboursement et en particulier, on pourra peut-être en reparler, si la croissance ne finit pas par revenir, on a un vrai problème de soutenabilité de la dette. Cela dit, aujourd’hui, les marchés parient sur Mario Draghi et sur la BCE et sur le fait que, si on devait aujourd’hui avoir un problème sur ces pays-là, la BCE serait là pour servir d’acheteur en dernier ressort. Et donc je pense que les marchés n’oublient pas le risque, mais les marchés sont en train de se dire « quelqu’un sera là pour prendre le risque » si il devient trop insoutenable, au moins à court terme. Et donc on aura des moyens de sortir de nos positions parce que, dans un premier temps, la BCE sera là pour servir d’acheteur en dernier ressort.

Web TV www.labourseetlavie.com : Un dossier que l’on va peut-être réévoquer, certains envisagent pour 2015, mais là on voit déjà que cela bouge sur les taux, c’est la Grèce où on a vu les taux remonter, est-ce que cela assez lié à ce contexte de marché que l’on a rappelé ?

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : Je pense que c’est plus lié à des problèmes de sortie du FMI, de discussions entre la Grèce, le FMI… enfin la troïka, l’Union européenne, la Grèce reste un marché très peu liquide sur lequel il y a assez peu d’intervenants. Donc il faut se méfier des écarts de taux qui semblent importants mais qui reflètent beaucoup plus, je pense, des échanges qui sont, eux, plus ou moins minimes. Cela dit, cela reflète une chose, c’est que, quels que soient les efforts qu’ont fait la Grèce, le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie, on a un problème de dettes. Il y a effectivement un problème de dettes qui ne peut pas être réglé sans retour de la croissance. Et puis on est dans un monde où l’inflation est très basse, or l’inflation basse, voire la déflation, c’est mortifère pour des gens endettés. Et donc on est là dans un… sur le cas de la Grèce, dans un pays qui a de la déflation avec une croissance qui, certes, s’améliore, mais qui reste négative ou à peine positive, et une dette qui n’a pas diminué. Et donc, forcément, le moindre petit vendeur sur ce marché fait que il y a des grands sauts, cela dit ce sont des sauts de marché, cela ne change rien aux taux auxquels la Grèce emprunte et c’est une perte pour les investisseurs, ce n’est absolument pas un problème pour la Grèce elle-même.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin donc sur l’évolution de votre stratégie d’investissement, sur quel type d’actifs vous allez sur cette partie-là ?

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : On reste, j’allais dire depuis un moment déjà, on ne change pas nos positions qui sont toujours des positions qui font confiance en fait à la liquidité des marchés et au fait que des taux bas pendant très longtemps poussent plutôt vers des actifs plus rémunérateurs, donc des actifs plus risqués. Donc on est toujours très positif sur les pays périphériques, l’Italie, l’Espagne, le Portugal. On est toujours très positif sur le crédit Corporate, sur les Financières, on le sera encore plus probablement juste après la sortie de l’asset quality review en fin de semaine, et donc que tous ces actifs qui offrent du rendement au-delà du taux allemand et des taux souverains, cœur de la zone euro, restent pour nous des zones d’investissement privilégiés.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Marie-Anne Allier.

Marie-Anne Allier, responsable de la gestion de taux chez Amundi : Merci beaucoup.

 

Cet interview a été tournée au Club Confair, 54 rue Laffite, 75009 Paris :

Site : http://club-confair.com/

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