Marchés : Interview Michel Portier Directeur Général Agritel.
Matières premières agricoles : Bilan et perspectives

2 septembre 2013 9 h 25 min
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Matières premières agricoles : Bilan et perspectives 2013.

En 2013, l’un des faits marquants sur le marché des matières premières agricoles est que les investisseurs financiers n’ont pas été déterminants.

Comment se comporte le marché sur le blé ou le maïs, quel bilan tirer de l’année 2013 et des premières récoltes (qualité, quantité), autant d’informations que nous évoquons avec notre invité : Michel Portier est Directeur Général d’Agritel, spécialiste de ces matières premières agricoles.

Web TV www.labourseetlavie.com : Michel Portier, bonjour. Vous êtes le directeur général d’Agritel. On va parler avec vous de matières premières agricoles, faire un bilan des derniers mois et parler avec vous également de perspectives. Du côté des investisseurs d’abord, est-ce que les investisseurs ont délaissé, c’est un peu l’impression que l’on avait eue, ce marché des matières premières agricoles sur, en tout cas, cette année 2013 ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Tout à fait, on voit un net désengagement des investisseurs, que ce soit financiers ou au fond sur les marchés des matières premières agricoles, j’ai envie de dire pour deux raisons. La première raison, pour une raison un petit peu fondamentale c’est-à-dire qu’ils ont eu, l’an passé, un rendement extrêmement important grâce à une envolée des cours des matières premières agricoles qui faisaient suite à une sécheresse historique aux États-Unis, et puis Dame Nature a corrigé un petit peu les choses cette année. On va dire que pour l’instant, sur l’hémisphère nord, nous n’avons pas eu d’incidents climatiques notables c’est-à-dire que les cours se sont repliés sur la base de fondamentaux, et dans ce contexte-là, les investisseurs ont un petit peu délaissé cet actif au profit des marchés actions notamment.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc il y a eu un vrai transfert. C’est quelque chose que l’on retrouve régulièrement sur ces marchés de matières premières agricoles ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : C’est quelque chose que l’on retrouve assez régulièrement effectivement, de toute façon la vie des marchés, ce sont des cycles, bien entendu, mais ici, je dirais qu’il y a deux choses. Il y a tout d’abord, on va dire, les fondamentaux qui font que, ayant gagné beaucoup d’argent sur un secteur l’an passé, ils se sont désengagés clairement au mois de décembre, ils ont clôturé des bilans en décembre. Et puis ils ne sont pas retournés dessus aussi pour des raisons réglementaires. Aujourd’hui il n’est pas de bon ton d’investir, et donc de spéculer selon, j’allais dire, la distinction que l’on peut faire entre les deux, sur des matières premières agricoles sans être soupçonné d’être à la source d’émeutes de la faim ou d’alimenter une spéculation sur des produits de base.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc ça, ça a pu jouer effectivement pour certains acteurs qui avaient peut-être eu la tentation d’y aller ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Tout à fait. On voit très bien d’ailleurs au niveau bancaire. Les banques, notamment en France, ont désinvesti très nettement le secteur matières premières agricoles pour des raisons éthiques, on va dire, pour ne pas qu’ils soient soupçonnés d’être à la source d’émeutes de la faim, et puis d’un point de vue réglementaire aussi, à force de mettre en place tout un tas de législations au niveau européen, on voit très bien que les acteurs financiers hésitent de plus en plus à venir sur ces marchés, les marchés futurs, les marchés options ou les ETF sur les commodities.

Web TV www.labourseetlavie.com : Quels sont du coup ceux qui font le marché aujourd’hui ? Ce sont des acteurs du secteur ou… ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Ceux qui font le marché, du coup, ils sont un petit peu moins nombreux c’est-à-dire que effectivement on a les acteurs du secteur, que ce soit les producteurs, les collecteurs ou les industriels qui ont besoin de matières premières agricoles pour leur cycle de production. Mais dans ce contexte-là, on arrive à un paradoxe c’est-à-dire que les financiers désertant un tout petit peu les marchés agricoles, on se retrouve avec des marchés un tout petit peu plus étroits, et on avait accusé la finance d’accentuer la volatilité, on s’aperçoit que il n’en est rien, et que la volatilité dans un marché plus étroit s’accentue, notamment dès qu’il y a le moindre pépin climatique ou la moindre nouvelle, les acteurs, on va dire, de la filière sont tous dans le même sens, et on se retrouve, de par un manque de liquidité, à avoir l’effet inverse à celui voulu à l’origine.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors ça c’est effectivement une réaction concrète sur ces marchés. On parlait de la récolte 2013, de ce que l’on en attend, 2013, on a vu pour ceux qui ont voyagé un petit peu, que cela avait été fait pour les blés, que le maïs on en n’est encore loin en tout cas pour pas mal de régions, qu’est-ce que l’on attend justement ? Est-ce que l’on a des estimations aujourd’hui sur cette année 2013 ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Oui, en blé, nous on a sorti une estimation de récolte de blé de 37 millions de tonnes, donc supérieure grosso modo d’un million de tonnes par rapport à l’an passé. C’est plutôt une bonne surprise pour la France parce que l’on a eu un printemps, je crois que tout le monde a pu le constater cette année, extrêmement pluvieux et froid. On avait craint à la fois une baisse de la production, on avait un impact avec une baisse de la production et une baisse de la qualité, et puis le mois de juillet et le mois d’août ont été très ensoleillés et ont permis un rattrapage, un rattrapage de maturité notamment, donc les récoltes aujourd’hui sont quasiment achevées pour ce qui concerne les céréales. Et on a à la fois de la quantité et de la qualité, et c’est extrêmement important parce que la France est quand même le premier pays exportateur de blé au niveau européen c’est-à-dire que l’on va exporter à peu près la moitié de notre production, que ce soit en intracommunautaire ou hors communautaire. Et pour pouvoir accéder à ce marché international, il nous faut absolument de la qualité. Et donc c’était notre plus grosse crainte il y a encore deux mois, aujourd’hui cette crainte est levée, c’est une bonne chose. En ce qui concerne le maïs, les premières récoltes vont débuter dans un mois et demi à peu près, un mois et demi, deux mois, là on va dire l’état végétatif est beaucoup moins satisfaisant, mais on va dire un petit peu, qu’à l’inverse du blé, nous nous avons connu des difficultés de semis extrêmement importants au printemps à cause de la pluviométrie, alors que nos concurrents principaux, on va dire Roumanie, Bulgarie, et surtout Ukraine, la mer Noire, l’Ukraine va faire une récolte record, va faire 28 millions de tonnes de maïs environ cette année contre une estimation pour nous entre 14 et 15, donc ils vont faire quasiment le double de nous, c’est quand même totalement inédit, et l’Ukraine va certainement venir nous challenger sur nos marchés et sur nos clients récurrents.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc ça, cela veut dire pression sur les prix au final… ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Cela veut dire pression sur les prix et on va dire double punition pour les producteurs de maïs, punition à la fois des rendements certainement qui ne seront pas très satisfaisants à cause du climat, et puis des prix bas.

Web TV www.labourseetlavie.com : Sur le blé, qu’est-ce que l’on peut dire ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Sur le blé, les prix se sont nettement repliés puisque aujourd’hui on a un équivalent de 185 € la tonne à peu près sur du blé à Rouen contre un plus haut qui est monté à 275, 280 € la tonne, donc 30 %, plus de 30 % de repli par rapport à l’année dernière, mais, on va dire, on n’a pas cette double peine puisque les rendements sont au rendez-vous. Donc le revenu des agriculteurs producteurs de blé va être en baisse par rapport à l’année dernière parce que l’année dernière les rendements étaient corrects et les prix très élevés, cette année les rendements sont corrects avec des prix beaucoup plus bas. Par contre, pour les producteurs purs de maïs, il va en être tout à fait autrement puisque ils auront, et rendement, et prix en baisse.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc pour le consommateur, logiquement on ne devrait pas avoir de sujet dans les prochains mois ?

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Normalement pour le consommateur, on ne devrait pas avoir de sujet si ce n’est que l’on a des sujets justement à l’effet inverse de surproduction. Regardez la crise des œufs. La crise des œufs, on est en surproduction sur les œufs avec tout le tapage médiatique que cela donne, avec des coûts de vente, des prix de ventes qui sont inférieurs au coût de production, on va dire, cette année il ne devrait pas y avoir de malaise spécifique sur les céréales, que ce soit le blé, le maïs ou l’orge. La suite au prochain numéro je dirais.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, parce qu’effectivement du côté des éleveurs, on avait eu sur un certain nombre de filières, beaucoup de questions…

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Tout à fait, mais le problème des éleveurs c’est qu’il est beaucoup plus grave, c’est que le problème il est structurel. Chez les éleveurs, il y a toute une filière, j’allais dire, à repenser. Il y a toute une filière à restructurer. Et donc lorsque on a un événement conjoncturel comme l’an passé avec une hausse des coûts d’aliments pour l’éleveur, elle est très pénalisante, mais j’ai envie de dire le problème n’est pas que là. Le problème, il est réellement de restructurer cette filière, de retrouver de la compétitivité, et aujourd’hui, vous prenez les éleveurs de porcs en Bretagne, qui est un pilier extrêmement important de l’activité économique de cette région, ils sont non compétitifs par rapport aux producteurs de porcs allemands, mais bon, coûts salariaux obligent, il est clair qu’en Allemagne on a de la main-d’œuvre à 6 ou 7 € de l’heure dans les abattoirs, on ne peut pas avoir des abattoirs compétitifs en France dans ce domaine.

Web TV www.labourseetlavie.com : Ce sera un sujet récurrent dans ce domaine.

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Effectivement c’est un sujet récurrent.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci d’avoir fait le point avec nous, Michel Portier, donc sur ces matières premières agricoles, donc avec les estimations que vous avez données, on rappelle que vous êtes donc le directeur général d’Agritel.

Michel Portier, Directeur général d’Agritel : Merci.

 

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