Eric Bourguignon Directeur de la Gestion Taux et Crédit Swiss Life Asset Managers : "Il y a un problème de croissance et de surendettement dans le monde".
TV Bourse : après

3 septembre 2015 18 h 29 min
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Bourse : après “l’été meurtrier”

S’il fallait s’inquiéter de la Grèce au début de l’été, la Chine s’est invitée dans l’agenda des investisseurs et la dévaluation du Yuan a constitué le facteur déclencheur de peurs et de nouvelles inquiétudes sur la situation de l’économie mondiale.

Simple correction boursière ou vraie sujet pour les semaines qui viennent, nous faisons avec nos dressons avec nos invités un panorama complet de ces marchés.

Mon invité est Eric Bourguignon Directeur de la Gestion Taux et Crédit Swiss Life Asset Managers.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Éric Bourguignon, bonjour.

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes directeur de la gestion taux et crédits chez Swisslife Asset Managers. On va parler avec vous de cette situation sur les marchés. Sur cette partie taux justement, est-ce que les investisseurs ont été se réfugier sur ces actifs dits moins risqués ou non risqués même ou est-ce que ça n’a pas été le cas ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Alors, oui avec la déconfiture des bourses chinoises. Effectivement, il y a eu à un moment quelques transferts visiblement vers les marchés dits sans risque, à savoir les emprunts d’État allemands et américains. Mais ça a été relativement bref puisque ce matin, ça remonte assez fortement.

Web TV www.labourseetlavie.com : Et qu’est-ce que ça veut dire justement ce type peut-être de flux qui ne font pas la réaction traditionnelle ? En général, quand ça baissait sur les marchés actions, on avait ce mouvement-là et on ne l’a pas de manière significative peut-être.

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Oui. Dans un premier temps, l’effondrement des bourses chinoises qui s’est reflétée également sur les bourses occidentales a provoqué un mouvement de panique et le réflexe pavlovien, c’est d’acheter immédiatement des emprunts d’état des pays core comme on dit. Dans un second temps, je pense que les gens comprennent que cette crise chinoise concerne surtout le monde émergent et peut-être à plus long terme les pays occidentaux, mais à court terme, l’impact sera probablement limité. Et donc les gens ont revu un petit peu peut-être leur position et sont revenus sur les marchés risqués au détriment donc des marchés de taux d’intérêt.

Web TV www.labourseetlavie.com : Cette crise chinoise, parce que finalement elle a été d’une ampleur bien supérieure, quand on parlait de la Grèce un petit peu avant l’été ou à la moitié de l’été, finalement on s’aperçoit que ça a été beaucoup plus violent en tout cas, la réaction des investisseurs, est-ce que ça peut avoir un impact sur l’économie mondiale ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Oui, encore une fois, la Chine est un acteur important. C’est certain, mais en fait, c’est surtout sur le monde émergent que l’impact peut être le plus fort pour deux raisons. Le premier, c’est que la Chine consomme énormément de matières premières, du pétrole, des métaux. Bien sûr, la demande va s’effondrer et donc ces pays vont être impactés directement. Et puis le second impact, ça sera que beaucoup de pays émergents sous-traitent la production chinoise. Donc à ce titre, si l’économie chinoise ralentit évidemment là aussi, ils seront impactés directement.

Web TV www.labourseetlavie.com : Et alors le déclencheur finalement de cette crise qui a duré cet été, au départ c’était la dévaluation du Yuan, la monnaie chinoise, qui n’était pas forcément prévue. On est sur une guerre des monnaies en ce moment ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : On est depuis de nombreuses années sur une guerre des monnaies. Et je pense que les Chinois sont maitres en la matière. Ça fait 30 ans qu’ils jouent avec leur monnaie. Ils avaient plutôt stabilisé les choses ces dernières années, donc effectivement, ça a été une surprise. Oui, ça s’inscrit dans un mouvement général où tous les moyens sont bons pour essayer de relancer la croissance, d’éponger la dette qui étouffe l’économie mondiale. Donc, ça s’inscrit effectivement dans cette logique.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc aujourd’hui, ce sont les Chinois. Demain, ça peut être la Banque Centrale Européenne qui à nouveau prend un certain nombre de mesures ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Oui, mais la BCE a déjà fait son entrée dans la guerre des changes en juin 2014 en déclarant que l’euro était surévalué. Comme par hasard depuis, l’euro a perdu 30 %. Donc l’euro est en pleine guerre des changes en ce moment après très longtemps avoir été absent de ce combat.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que ça peut à nouveau… puisque l’euro est reparti un petit peu, donc ça pourrait gêner la Banque Centrale Européenne qui pourrait prendre de nouvelles mesures, de votre point de vue ou est-ce qu’elle restera sur ce qu’elle a fait jusqu’à présent ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : C’est probable. D’ailleurs, elle nous l’a annoncé pas plus tard que ces derniers jours. Il est clair que si la croissance ralentissait, si l’inflation allait en deçà de ce qu’elle espère, on a compris qu’elle n’hésitera pas à augmenter la dose de quantitative easing qu’elle a déjà programmée pour les prochaines années.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a toujours deux visions sur les marchés. On a la vision des marchés actions et puis la vision des marchés obligataires. Il y a ceux sur le long terme qui croient toujours ce que disent les marchés obligataires. Qu’est-ce qu’ils nous disent finalement quand on voit ces taux aussi bas ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Ils nous disent qu’il n’y aura pas d’inflation et puis, ils nous disent surtout qu’ils sont actuellement sous le contrôle des banques centrales puisque ce sont les banques centrales qui fixent le niveau des taux d’intérêt. C’est pour ça que l’interprétation qu’on peut avoir des marchés de taux et obligataires en particulier est à prendre avec beaucoup de précautions parce que ce sont des taux manipulés et qui n’ont plus le caractère prédictif peut-être qu’ils avaient dans le passé.

Web TV www.labourseetlavie.com : Aujourd’hui, est-ce que les investisseurs ne se reposent pas trop justement sur les politiques des banques centrales où on s’est peut-être posé des questions cet été justement sur cette efficacité ou l’efficacité moindre peut-être que ce qu’on en attendait ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Je pense qu’ils ont raison de se reposer sur les banques centrales puisqu’effectivement, on a bien compris là aussi qu’elles seraient là pour très longtemps, qu’elles arroseront toujours l’économie et les marchés de cash pendant des années et qu’à ce titre, il y a une espèce de protection qui est apportée au marché financier par les banques centrales. Maintenant, où je vous rejoins, c’est qu’on sait bien que ces solutions monétaires ne sont pas des solutions définitives au problème de surendettement qui mine l’économie mondiale.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’aujourd’hui ce n’est pas finalement cette question-là de la croissance économique mondiale ? On parlait de la Chine où il va falloir s’habituer à une croissance un peu moindre. Aux États-Unis, on parle de 2 – 3 %. Ce n’est pas les États-Unis d’il y a quelques années.

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Bien sûr. Il y a un problème de croissance dans le monde, lié à un problème de surendettement. Les deux font mauvais ménage en général. Effectivement, on voit mal comment avec cette croissance relativement médiocre post-crise on pourra résoudre ce problème qui est toujours présent de la crise de l’endettement, qui avait provoqué la crise et qui n’a toujours pas été résolu à ce jour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Pour les investisseurs aujourd’hui, ils ont malgré tout peu de choix, puisqu’il y a ce qu’on disait sur les banques centrales. Ils vont sur des actifs un petit peu plus risqués ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Dans un monde où rien ne rapporte plus rien, effectivement les investisseurs sont tentés de prendre un peu plus de risques pour avoir un peu plus de rémunération. Là, il faut faire très attention parce que tous les actifs n’ont pas les mêmes risques et souvent pour gagner un petit peu plus, on est amené à prendre des positions sur les marchés qui sont peut-être pas très sages, compte tenu des risques sous-jacents.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’aujourd’hui vous diriez que cette crise de l’été, crise chinoise et crise sur les marchés mondiaux, c’est une alerte ? Comment vous la qualifieriez ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Non. Enfin, ça révèle que l’économie chinoise est effectivement confrontée à des problèmes, que les chiffres officiels ne valent pas grand-chose, mais ça, ce n’est pas une surprise. Donc effectivement, on a quand même un des gros acteurs mondiaux qui aujourd’hui est à la peine. Ça a été confirmé par cette dévaluation puis ensuite par les baisses de taux d’intérêt, de réserves obligataires, etc. Donc effectivement, ce n’est pas anodin qu’un gros acteur comme ça éprouve des grandes difficultés en matière de croissance.

Web TV www.labourseetlavie.com : L’enjeu, ça va être d’être peut-être encore plus diversifiés qu’avant, compte tenu de ces risques qui sont apparus au cours de l’été ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Tout à fait. Je pense que la diversification est à la base de toute gestion de patrimoine aujourd’hui. On voit bien que les marchés s’inquiètent par épisodes d’un problème local. Puis ensuite, une fois que ce problème est résolu ou oublié, on passe à un autre problème sur une autre zone géographique. Donc, il faut absolument être diversifié à la fois géographiquement et en termes d’actifs.

Web TV www.labourseetlavie.com : On avait surestimé finalement le risque grec au détriment du risque chinois ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Non, on ne l’avait pas surestimé. La Grèce était au bord de la faille. Soyons clairs. Donc, on a trouvé une solution très simple, c’est qu’on va reprêter au pays pour qu’il puisse nous rembourser, ce qui va durer quelques années. Donc, le répit risque d’être certes relativement long, mais provisoire.

Web TV www.labourseetlavie.com : On disait marché obligataire – marché actions, quand on voit ce qu’il y a sur les marchés de matières premières, les cours de pétrole aussi bas, on se dit la reprise, ce n’est pas demain.

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Enfin, je crois que clairement, l’effondrement des prix des matières premières, comme on l’a dit tout à l’heure, est intimement lié au problème chinois, parce que c’était l’outil productif du monde qui consommait toutes ces matières premières. À partir du moment où il marque le pas, évidemment la demande est plus faible et ça rejaillit immédiatement. Je pense que ça ne traduit pas forcément un ralentissement mondial généralisé. On sait bien que les États-Unis connaissent une croissance tout à fait acceptable, que les Européens sortent un petit peu la tête du trou, donc de ce point de vue là, je pense que c’est vraiment lié au problème chinois.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin. Avant l’été, on mettait souvent en avant la zone euro un petit peu comme zone d’investissement, est-ce que c’est toujours le cas ?

Éric Bourguignon, Directeur de la Gestion Taux et Crédit, Swiss Life Asset Managers : Alors, d’un strict point de vue investissement, oui, parce qu’elle a peut-être du retard par rapport aux États-Unis. Maintenant, si c’était seulement les chiffres de croissance qui devaient guider les placements, de ce point de vue là, l’Amérique une fois de plus nous dame le pion.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Éric Bourguignon.

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