Alain Pitous Gérant Talence Gestion : "La prochaine séquence, les Etats pour des relances ciblées".
Bourse : Après le choc du Brexit

29 juin 2016 17 h 14 min
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Bourse : Après le choc du #Brexit, la donne est-elle profondément modifiée sur les marchés financiers ?

Quelles conséquences pour la stratégie d’investissement, faut-il sortir de ce marché ou au contraire y trouver des opportunités ?

Mon invité pour parler de la situation et des perspectives pour cet été est Alain Pitous Gérant Talence Gestion.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Alain Pitous, bonjour.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes gérant chez Talence Gestion. On va parler avec vous bien sûr de ce Brexit au lendemain de ce choc pour la planète finance et pas seulement, pour aussi le point politique sur cette décision. Au-delà de la réaction, comment on se positionne quand on a un tel choc, parce que finalement que les investisseurs étaient un peu passés à côté de ce Brexit, ils l’avaient un peu sous-estimé ?

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Alors, oui et non. C’est-à-dire qu’en fait, beaucoup de gérants étaient, en allocation, devenus un peu plus prudents à cause du Brexit, mais tout le monde espérait que ça se passe bien, à cause de la Chine, à cause des hausses de taux aux États-Unis. Donc, il y avait quand même un climat un peu de prudence. Mais quand on prend un choc tel, 10 % en deux jours, aucune allocation ne résiste parce que tous les actifs risqués ont pris une sévère correction depuis deux jours.

Web TV www.labourseetlavie.com : L’investisseur aujourd’hui, il y a des élections, il y en a eu en Espagne, il y en aura aux États-Unis. En général, le calendrier politique globalement quand même n’était pas aussi prégnant, mais là on a l’impression qu’à chaque élection, les marchés sont dans l’attente.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Oui, alors on va enchaîner comme ça, encore pendant des mois. Après, on va entamer la période électorale aux États-Unis et puis quand on aura fini les États-Unis, on commencera la France et quand on aura fini la France, on fera l’Allemagne, quand même des acteurs assez importants. Alors nous dans cet environnement qui est un environnement très macro, en fait, parce que les devises réagissent par rapport à ça, les taux d’intérêt et les banques centrales. Donc, on est dans un environnement très macro-économique où ne parle que de ça. Nous, ce qu’on fait dans ces moments-là, c’est que les valeurs macros, en particulier les banques, on les laisse un peu de côté. On attend que ça se passe, on va dire. On fait le dos rond. On en a quelques-unes, bien sûr, on a quelques banques françaises, mais on n’en rachète pas aujourd’hui. Et puis, on se positionne sur des thématiques et sur des valeurs qui sont – alors, je vais mettre des guillemets – un peu à l’écart du stress actuel et qui sont des opportunités d’achat, quand on a, comme on a eu ces jours-ci, des baisses de 10 – 15 % en deux ou trois jours. Bien souvent, il y a des exagérations et donc on met un peu à profit ces moments-là pour utiliser un peu du cash qu’on avait de coté en attendant que ça se calme, avec ces arguments qui sont un peu… C’est un peu facile de dire ça, mais en même temps, quand on se positionne sur un horizon assez long, c’est mieux de rentrer 10 % moins cher en étant un petit peu patient.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors en même temps, on parlait justement des taux d’intérêt. La Réserve Fédérale Américaine avait mis un petit peu en avant ce Brexit pour justifier peut-être d’attente sur les taux. On a cet environnement aussi incroyable, de plus en plus de taux négatifs dans le monde entier et puis cette Réserve Fédérale qui patiente encore quelques mois. Là, on parle de décembre maintenant. Il y a des paris sur décembre. Peut-être que ça sera l’année prochaine.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Oui, on sait ce que valent les paris des marchés depuis la semaine dernière. On va mettre un peu de côté les paris des marchés. Alors, ma lecture dans ce contexte-là, elle est double. La première, c’est que je suis toujours un éternel optimiste, je me dis, ce qui peut se passer au niveau des banques centrales, c’est que pour la première fois depuis 2012, elles vont agir de concert, en fait. Parce qu’en fait, il y avait des décalages. Si on regardait la banque centrale japonaise, la banque centrale européenne, la banque centrale américaine qui étaient en train de repartir un peu sur les taux, là on revient sur quelque chose où l’ensemble des cycles économiques vont se réajuster et donc on pourrait avoir des banques centrales qui agissent de concert, ce qui n’est pas arrivé depuis 2012 et ce qui est vraiment la seule bonne nouvelle qu’on peut lire dans ce moment-là. Alors, je ne suis pas en train de dire qu’ils vont réinjecter des liquidités et que ça va faire monter le marché. Simplement, ils vont faire en sorte – et ils l’ont vu en 2008 ce que ça pouvait coûter de laisser les choses dériver – de ne pas laisser les choses dériver et puis de rester sur un système financier qui fonctionne. Donc ça, c’est la première chose. Et la deuxième chose, – ça, c’est un credo un peu plus politique. Là, je m’éloigne un peu du simple gérant, si on peut dire qu’on est des simples gérants – c’est que je pense que la prochaine séquence, c’est que les États, en particulier en Europe, vont entreprendre probablement des politiques plus keynésiennes, c’est-à-dire qu’on va mettre de côté l’austérité qui a coûté très cher à Cameron, qui coûte très cher un peu partout en Europe, pour faire des relances ciblées. Alors, il y a tout un tas de choses à faire. C’est des crédos des écolos et autres, mais enfin je pense que ça a du sens, l’information, tout la transition énergétique, il y a énormément de choses et seuls les états peuvent entreprendre des plans comme ça sur de longues durées. Et ça redonnerait un souffle d’espoir et au moins une visibilité concrète aux Européens et même je pense que ça pourrait être des choses qui seraient entreprises au niveau mondial. Donc, la deuxième phase, ce sera ça. Alors, espérons que ça ne vienne pas trop tard, à un moment donné où l’économie serait trop cassée. Là, on est sur une économie qui a tendance, alors c’est difficile à dire quand on est au chômage et quand on est en difficultés, mais il y a une tendance à l’amélioration, un petit peu plus d’investissements, etc. Il ne faudrait pas que…

Web TV www.labourseetlavie.com : Que ce soit cassé par…

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : … cet avion qui est en train de redécoller atterrisse en bout de piste, ce qui serait quand même dramatique pour l’économie européenne. Donc, je pense qu’il y a des pistes. Il va falloir que nos hommes politiques parlent. Et encore une fois, en attendant, il y a des entreprises qui sont à l’écart de tout ça, qui ont des chiffres d’affaires en croissance, qui font de la productivité, qui innovent et ces entreprises-là, il faut les chercher dans les marchés. Et il y a de quoi faire.

Web TV www.labourseetlavie.com : Ça veut dire par exemple des entreprises qui ont plus des marchés domestiques ou qui ne vont pas souffrir par exemple directement de la baisse de la livre, comme on a pu voir là, le choc sur la livre.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Oui, complètement. Alors, il y a des segments comme ça de marchés. Nous, il y a des valeurs qu’on aime bien, du style Altran, une entreprise qui fait du conseil, ces choses qui sont effectivement, si toute l’économie s’arrête, effectivement à la fin, rien ne vaudra plus rien, mais dans une économie en faible croissance, ils ont réussi à être bien positionnés. Donc, c’est ce type de valeurs qu’on cherche et qu’on aime bien parce qu’une bonne visibilité. On n’est pas en stress avec ces valeurs-là. Encore une fois, ça ne fait pas de miracles dans un marché qui est sous pression, des intervenants qui liquident des positions de manière massive. Mais au moindre rebond, ça s’améliore assez directement.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, on voit toujours quand même pour l’investisseur, on parlait des taux négatifs, cette quête de rendement. On sent que l’investisseur, de toute façon, il est obligé de prendre plus de risques. Mais plus de risques, quand il voit ce qui se passe sur les marchés actions, il peut être un peu prudent et se dire « Pourquoi je vais reprendre du risque maintenant, perdre de l’argent tout de suite ? »

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Oui. Nous, ce qu’on fait, alors on le fait progressivement et de manière très diffuse dans le temps, mais on liquide nos positions obligataires. Pour un gérant aujourd’hui allocataire, il y a une dissymétrie beaucoup trop importante. Effectivement, on va sortir des marchés quand on est en stress ou quand on prend des bénéfices, on sort des marchés. Mais là, les sorties qu’on avait faites en mai, à un moment donné où le marché était un petit peu reparti, on s’était mis en cash et point à la ligne. On n’avait pas été cherché du rendement obligataire, même si finalement, ça aurait été pertinent de faire ça. Mais nous, on se positionne en se disant « Et si on garde ça pendant cinq ans, qu’est-ce qui se passe ? ». Avoir des rendements négatifs, ça n’a pas de sens économique et encore une fois, en termes de gestion, il y a cette dissymétrie. Et là aujourd’hui, avec un marché qui a reculé de 10 – 12 % en quelques jours, la dissymétrie est dans l’autre sens sur les actions. C’est-à-dire qu’effectivement, on peut toujours perdre sur les actions, on peut faire encore 20 % de baisse. Je n’en sais strictement rien. Par contre, sur les obligations, c’est l’inverse. On est avec un risque en capital, avec un rendement qui est très faible, donc en allocation, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. Alors, on fait comme sur les banques, mais dans l’autre sens. C’est-à-dire qu’on reste en position, puis de temps en temps, on écrête un petit peu ces positions-là. On est rendu sur des taux allemands à dix ans à – 0,10. Ça n’a aucun sens. Donc, à un moment donné, ça va se terminer. Si on prend mon exemple de tout à l’heure où les États reprennent de l’investissement et refont une politique un peu keynésienne, les taux vont directement à 2 %.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Donc, il n’y a pas urgence. L’économie ne va pas s’inverser comme ça. Mais encore une fois, les hommes politiques sont un peu capables de tout. On l’a vu avec Cameron. Pour sortir l’Europe de l’ornière, on l’entend un petit peu. On voit les Italiens qui poussent dans ce sens-là. Les français, je pense qu’ils sont prêts à faire n’importe quoi pour que l’économie reparte un petit peu.

Web TV www.labourseetlavie.com : Il faudra convaincre l’Allemagne.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Il faudra convaincre un peu les Allemands, mais les Allemands sont un peu tous seuls aujourd’hui. Donc, ils vont peut-être avoir envie aussi de faire quelque chose.

Web TV www.labourseetlavie.com : On suivra ça. Merci Alain Pitous.

Alain Pitous – Gérant Talence Gestion : Merci beaucoup.

 

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