David Kalfon Président Amaïka AM : "On n'a jamais eu une décorrélation aussi forte entre la macro-économie et le marché".
Bourse : Perspectives d'investissement

18 juin 2016 9 h 09 min
+ de videos
245
Views

#Bourse : les investisseurs ont désormais les yeux rivés sur une date, le 23 juin, jour du référendum en Grande-Bretagne pour la sortie ou non de l’Union Européenne. Il y a un an, et même il y a six mois, aucun investisseur n’avait ce sujet en tête. Mais voilà sondage après sondage, un #Brexit est devenu possible avec à la clé son lot d’incertitudes.

Nous parlons de ce sujet et des dernières actualités sur les marchés (Fed, BCE, émergent…) avec David Kalfon Président Amaïka AM.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : David Kalfon, bonjour.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le président d’Amaïka AM. On va parler avec vous de stratégies et de perspectives sur les marchés. La question du moment, c’est forcément ce Brexit qui arrive. Et on serait vu il y a quelques semaines ensemble, on n’en aurait quasiment pas parlé, un petit peu on l’aurait évoqué. Là, ça semble vraiment être au cœur de la nervosité du marché.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Très clairement, le risque d’une sortie de l’Angleterre de l’Union Européenne a été repricé de manière très brutale et significative. Alors, il y a des raisons pour cela. On a eu des sondages qui ont montré que l’opinion était en train de pencher de plus en plus vers la sortie et le gros sujet, c’est l’inconnu. C’est cet inconnu, cette incertitude que les marchés redoutent tant et dont on a tellement horreur : personne ne sait vraiment ce qui va se passer le 24 juin s’il y a un Brexit. Donc, tous les scénarios sont possibles. Toutes les réponses sont possibles également. Ce que l’on sait, c’est les marchés ont toujours envie d’avoir une réaction rapide. L’horloge des marchés est très très courte. L’horloge politique, on sait qu’elle est beaucoup plus longue. On sait que lorsque la Norvège a commencé avec l’Union Européenne pour mettre en place certains accords, certains accords qui ont mis huit ans avant d’être signés.

Web TV www.labourseetlavie.com : On est loin de l’horizon des marchés, en tout cas à court terme, sur ce genre de nouvelle.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Exactement. Alors, c’est sûr que l’incertitude va être très mal vécue. Mais je dirais, le positionnement des investisseurs actuellement est très intéressant également. Parce qu’on sait que le 24 juin finalement que l’Angleterre reste ou sorte, les investisseurs eux ne seront pas contents. Alors, pourquoi je dis ça ? Parce que finalement, on se rend compte qu’avec les niveaux de volatilité qu’il y a, ce que l’on voit sur les marchés des options, très clairement, il y a beaucoup de gens qui sont très très couverts. Tout ce que l’on voit passer en termes de transactions montre que beaucoup de gens ont réduit la voilure. Donc, imaginons le scénario où l’Angleterre reste dans la communauté européenne, vous vous retrouvez avec tout un tas d’investisseurs qui sont très sous-investis et qui vont se retrouver à courir après le marché en se disant que c’était l’occasion de faire la performance de l’année, c’est maintenant, ce n’est pas demain, etc. Donc, je dirais, c’est un exercice extrêmement périlleux. C’est là où il faut finalement essayer de prendre un petit peu de recul, de se dire que de toutes les manières, ça ne sera pas la fin du monde. Ça va ouvrir effectivement beaucoup d’incertitudes, mais dans les deux cas, il faut essayer de se protéger des risques extrêmes. Mais j’ai envie de dire, il faut se protéger dans les deux sens, ce qui est un petit peu inhabituel.

Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà ! C’est une stratégie particulière. Alors, on a aussi évoqué bien sûr la Réserve Fédérale Américaine. Là, on pourrait dire que ce scénario-là finalement, la Réserve Fédérale Américaine ne fait pas ce que les marchés attendent d’elle depuis des mois, c’est-à-dire cette fameuse hausse de taux tant attendue. Juin, mais non, ce n’est peut-être pas juin, ce n’est peut-être pas septembre. On ne sait plus finalement. À chaque échéance, il y a à nouveau de l’incertitude.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Alors, ce qui est clair, c’est que c’est un peu le jeu du chat et de la souris entre la FED et les marchés. C’est-à-dire que du tout début de l’année jusqu’à il n’y a pas si longtemps que ça, le marché disait « il n’y aura pas de hausse des taux cet été », la FED disait « si, si, il y en aura », avec un écart entre les attentes de la FED et les attentes du marché qui était tellement large que tous les membres de la FED s’y sont mis pour expliquer qu’ils étaient en position pour monter les taux, etc. Alors, ce qui est intéressant, c’est qu’on a l’impression que finalement, cette rhétorique de « ne vous en faites pas, l’économie va bien, on va pouvoir monter les taux », ça rassure les marchés. Et donc là ce que l’on a vu, c’est que lorsque la FED dit « finalement, au mois de juin, on ne fait rien » et puis on voit qu’il y a quand même pas mal de membres de la FED qui commencent à dire qu’il y aura peut-être une seule hausse des taux cette année et non pas ni deux ni trois, comme tout le monde s’était accordé à le dire il n’y a pas si longtemps. Très clairement, au lieu de se dire, en tant qu’investisseurs, on avait raison, la FED s’ajuste sur nos attentes, on voit qu’en fait, c’est encore pire. C’est-à-dire que la FED s’ajuste et du coup, le marché se redécale puisque ce qui est pricé actuellement, la première hausse de taux est pricée à 100 % uniquement au 1er trimestre 2018. Pour le moment, on n’a que des probabilités. Et pour avoir 25 points de base pricés à 100 %, il faut se projeter dans plus d’un an. Donc, ça veut dire que moins la FED en fait, moins le marché croit qu’elle est dans une position pour en faire. Alors, ce qui est compliqué à gérer et ce que l’on peut regretter en tant qu’investisseurs, c’est un petit peu le manque de vision. On aurait aimé que la FED prenne une vue un petit peu plus longue. Là, on a l’impression que c’est un chiffre de l’emploi qui a remis en cause un peu tout. Alors, pas forcément que le chiffre de l’emploi, bien entendu. Le Brexit a été une donnée majeure. D’ailleurs, beaucoup d’économistes disaient « il n’y aura rien au mois de juin parce qu’une semaine avant le Brexit, on ne fait pas de hausse des taux ». C’était assez normal. Mais là où je pense qu’il ne faut pas se tromper, c’est qu’effectivement, il y a Brexit, mais le stress des marchés, le début du stress des marchés, la correction des marchés, elle est venue, elle a été déclenchée par les chiffres de l’emploi et par cette idée que finalement, non, la FED ne pourrait pas monter ses taux.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, il y en a même qui sont plus pessimistes que ça et qui disent : finalement, elle a tellement attendu qu’elle ne pourra pas remonter ses taux dans les prochaines années.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Alors, c’est le risque. Maintenant, je pense qu’on n’en est pas encore là. En fait, je crois qu’on est à un moment donné où on n’a jamais eu une déconnexion aussi forte entre le marché et la macro-économie. C’est-à-dire que si on en croit le marché, ce qui est pricé, c’est une récession et c’est une récession assez forte et c’est une récession demain. Quand on regarde les chiffres macro-économiques, on ne voit rien du tout de cela. Aux États-Unis, ok, on a eu un chiffre de l’emploi qui était un petit peu plus faible, mais globalement le marché de l’emploi reste extrêmement solide, le consommateur très vigoureux, il y a la consommation, on est sur un rythme de croissance à 2 % et 2 %, il n’y a pas de drame. Et quand on regarde le marché, là c’est une déconnexion totale. Tout le monde se comporte comme si la récession était là et la récession au niveau mondial. Donc, on va voir comment ça se résout. J’ai toujours tendance à faire un peu plus confiance à la macro-économie et aux fondamentaux qu’aux mouvements erratiques des fois des marchés. Ce qui est clair, c’est qu’on ne peut pas exclure à l’heure actuelle un scénario qui serait le scénario de la course aux indices. C’est-à-dire où on voit que finalement il n’y a pas de Brexit, que finalement il n’y a pas de récession non plus, que la FED est en mesure de monter les taux et on aurait ce qu’on n’a pas eu depuis très longtemps, un été qui serait très chahuté, mais à l’inverse. C’est-à-dire parce que le marché monte et parce que les investisseurs courent après. Pour le moment, ce n’est pas un scénario central, mais c’est un scénario qu’on ne peut pas totalement exclure.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors en termes d’allocation d’actifs, de moyens de se protéger de ces aléas qu’on a évoqués ensemble, comment on gère les portefeuilles dans cette période-là ?

David Kalfon – Président Amaïka AM : Les portefeuilles chez Amaïka, nous les avons gérés en mettant des protections, mais ces protections, il faut les mettre quand tout va bien, quand personne ne vous parle de Brexit, quand les prix sont redevenus corrects, quand le coût d’une assurance est devenu gérable. Donc effectivement, on avait acheté des « put » sur l’Euro Stoxx 50, donc de manière très simple. Mais on les avait achetés pendant la phase de hausse du marché, au tout début du mois de juin et à la fin du mois de mai surtout. Donc, c’est ce qu’on a fait. On a continué, on a rollé ces options sur l’échéance de juillet. Donc, on est protégé en cas de risque extrême. Maintenant, on est restés investis dans nos portefeuilles pour justement éviter d’avoir à courir après le marché au cas où finalement tout se passe bien. On dit toujours : « le pire n’est jamais sûr ».

Web TV www.labourseetlavie.com : Eh bien, ce sera le mot de la fin. Merci David Kalfon.

David Kalfon – Président Amaïka AM : Merci.

 

Print Friendly, PDF & Email