Antoine Frérot Pdg de Veolia Environnement : "Oui, je pense avoir les moyens de diriger Veolia".
Le Pdg du leader mondial du traitement de l'eau nous a accordé cette interview à la veille de l'Assemblée Générale

22 avril 2014 22 h 29 min
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À la veille de l’Assemblée Générale des actionnaires de Veolia Environnement, Antoine Frérot, le Pdg du groupe nous a accordé cette interview. 

Est-il serein après les attaques dont il a été l’objet, quid de l’avenir de Veolia Eau en France, l’évolution de la stratégie du groupe sur ses marchés (Eau, Propreté, Energie), la SNCM, retrouvez ici toutes les réponses d’Antoine Frérot. 

Web TV www.labourseetlavie.com : Antoine Frérot, Bonjour. Merci de nous recevoir, vous êtes le Pdg  de Veolia Environnement, on va parler avec vous de la stratégie de l’entreprise sur cette année 2014. Vous allez donc présidé à l’assemblée générale le 24 avril, est-ce que l’on peut dire, de votre point de vue, que vous êtes serein ? Aujourd’hui vous êtes un PDG serein après ce que l’on a pu lire, si j’avais fait une revue de presse, on aurait vu “le survivant”, Antoine Frérot “le survivant”, est-ce qu’aujourd’hui vous êtes serein ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Je comprends votre question, mais je considère que cet épisode-là est derrière nous désormais. Vous le savez, le conseil d’administration a proposé le 26 février mon renouvellement et, si l’assemblée générale m’accorde sa confiance, oui, je pense avoir les moyens de diriger Veolia.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a aussi dans l’actualité récente des… alors c’est un analyste, mais on sait que les marchés financiers sont là pour effectivement faire réagir les titres, qui a parlé de fusion avec Suez Environnement, alors ce n’est pas la première fois que l’on parle de ce genre de sujet, vous avez d’ailleurs vous-même réagi à cette thématique, est-ce que pour autant effectivement, quand on voit ce mouvement de fusions-acquisitions mondiales, ce n’est pas un sujet qui va revenir forcément ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Ce que je peux vous dire, c’est que chez Veolia il n’en est pas question aujourd’hui. Nous avions évoqué, c’est vrai, il y a maintenant presque deux ans, cette idée, nous l’avions vite refermée devant les difficultés, voire l’impossibilité de la mettre en œuvre. Depuis nous n’en avons jamais reparlé, et donc aujourd’hui, là aussi, c’est alors pour le cas complètement derrière nous, il n’y a absolument rien de ce type-là aujourd’hui dans nos esprits.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Le groupe est engagé dans une transformation, une grande transformation, vous l’avez évoquée lors des derniers résultats, vous l’avez déjà avancé sur ce point, pour autant, est-ce qu’il ne faudrait pas aller encore plus vite ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Vous savez, Veolia est une grande entreprise. Veolia s’est lancé dans un plan de transformation d’envergure avec quatre grands chapitres, la transformation de son bilan qui est maintenant pratiquement terminée, la transformation de son organisation, la transformation de la structure de ses coûts avec une transformation de ses structures, mais également un ré-ingéniering d’un certain nombre important de ses activités, et enfin la transformation ou l’évolution de sa stratégie commerciale. Ce sont des gros programmes. Par ailleurs, vous le savez, les métiers de Veolia, peut-être plus que d’autres, sont des métiers de moyen et de long terme c’est-à-dire que leur rentabilité se construit jour après jour dans la durée. Pour mener une telle transformation, il faut laisser de la stabilité, de la sérénité à l’équipe de direction pour pouvoir la mener. Pour que cette transformation porte des fruits pérennes, durables, il faut véritablement régler les difficultés qui existaient. Nous allons aussi vite que possible. Nous devons également embarquer pour que ceci se passe bien l’ensemble de notre entreprise et en tous les cas l’ensemble des cadres de l’entreprise parce que j’ai besoin qu’ils comprennent où je veux les emmener, je veux qu’ils comprennent quel sera le nouveau Veolia, quel va être leur rôle dans sa construction. Pour cela, nous avons besoin d’embarquer un maximum de collaborateurs. Il faut prendre le temps. Aller trop vite nous ferait finalement perdre du temps puisque nous en perdrions en route et nous passerions beaucoup de temps à les raccrocher a posteriori.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Quand on connaît l’historique du groupe, on sait, et les analystes le disent, qu’effectivement l‘eau, votre métier historique en France, c’était, les analystes diraient « la vache à lait » du groupe, cette vache à lait a eu du mal au cours des dernières années, est-ce aujourd’hui toutes les dépréciations qui ont pu être faites, ont été faites justement sur ce dossier-là ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Vous le savez, les dépréciations qui ont été faites n’ont pas concerné l’eau en France. Il est exact que l’activité de l’eau en France a été le cœur du cœur du groupe, pendant longtemps d’ailleurs la seule activité, jusqu’à il y a une trentaine d’années, et encore en 1999 l’activité de Veolia c’était plus de 90 % en France. Aujourd’hui ou cette année 2014, on sera à 34 % à la fin de l’année. Donc le groupe a beaucoup évolué. L’activité de l’eau en France ne connaît plus la rentabilité qu’elle a connue dans le passé, elle ne la connaîtra plus, cela ne veut pas dire que cela ne reste pas un bon business. Autrefois, grâce à la qualité de nos services, aux besoins des populations, à nos relations avec nos clients, nous parvenions à faire passer nos coûts pour améliorer le service. Aujourd’hui, du fait de la baisse du pouvoir d’achat de la population française, ce n’est plus possible. À nous comme à beaucoup d’autres entreprises d’adapter nos coûts à nos prix ou au prix qu’acceptent de payer nos clients, mais c’est bien là dedans que nous nous sommes lancés avec cette restructuration de l’eau en France qui est profonde. Là aussi, j’ai besoin d’embarquer l’ensemble de l’encadrement dans ce travail de refonte en profondeur. Mais une fois qu’il sera fait, le business de l’eau en France ne connaîtra pas des résultats inférieurs au reste du groupe.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Quand vous entendez ou que vous lisez comme moi que les syndicats, vos syndicats disent que vous êtes en train de démanteler le groupe Veolia, qu’est-ce que vous leur répondez ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Je leur réponds qu’il n’est pas question de démantèlement. Nous ne voulons pas vendre notre activité d’eau en France, et si nous consacrons tant d’efforts à la restructurer, à la redresser, à lui donner un avenir parce qu’il ne s’agit pas seulement de baisser les coûts, mais il faut relancer également une démarche commerciale mieux adaptée en fonction de ce que nos clients souhaitent, ainsi que ceux qui n’étaient pas nos clients, parce que nous souhaitons également nous adresser aux régies de l’eau en France pour leur proposer nos savoir-faire les plus pointus en termes de valeur ajoutée, ce n’est pas pour la vendre. Donc il ne s’agit pas du tout de démanteler le groupe, au contraire il s’agit de le projeter sur l’avenir.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que ce sujet là, finalement, de la stratégie sur l’eau se posera aussi à l’international plus vite également ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Alors, elle se pose aujourd’hui en France parce que nos contrats viennent en renouvellement, et entre 2010 et 2015, nous aurons renouvelé tout notre portefeuille de contrats dans l’eau en France. Pour l’étranger, cela se passera plus tard parce que nos contrats sont beaucoup plus récents, ils sont beaucoup plus longs, entre 20 et 25 ans, et donc ce n’est pas avant 2025 que les premiers contrats viendront en renouvellement hors de France, donc nous avons encore le temps. Mais pour sûr nous devrons à cette époque-là, là aussi, réinventer notre offre de services, notre proposition de valeur à nos clients. C’est même la raison d’être de la gestion déléguée. Si à la fin d’un contrat, pour le nouveau contrat, nous leur proposons la même chose qu’avant, cela ne marchera pas, nous devrons nous réinventer. Nous avons la chance d’avoir dix ans devant nous, nous avons d’ailleurs utiliser le laboratoire France pour ce faire, et je pense que nous saurons dans dix ans faire face à cette nouvelle vague de renouvellement de contrats.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, où il y a de plus en plus d’évolution et de projets d’investissement avec, à destination des industriels dans vos métiers, puisque l’on a parlé de l’eau, il y a la propreté également et l’énergie, c’est une transformation majeure vers plus d’activité avec ces industriels ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : C’est une évolution significative de notre démarche commerciale. La raison en est la suivante : nous connaissons déjà les industriels, nous travaillons déjà avec eux, à peu près 30 % du chiffre d’affaires de Veolia est fait avec eux, mais jusqu’à présent nous intervenions pour eux, je dirais, à l’aval de leurs process industriels pour traiter leur pollution ou leurs déchets. Aujourd’hui, le paradigme change. Aujourd’hui nos expertises deviennent de plus en plus stratégiques pour eux, ce qui nous permet d’intervenir, non pas seulement à l’aval, mais également au milieu de leur process pour leur apporter de la compétitivité, et même parfois en amont pour leur faire obtenir le droit d’opérer. Je prends l’exemple du secteur minier. Aujourd’hui on n’ouvre plus une mine dans le monde sans apporter la preuve aux autorités que l’on ne va pas polluer et que l’on va pas non plus extraire de la ressource naturelle qui ferait un jour défaut aux populations locales. Veolia, pour ce qui est de l’eau, sait apporter des solutions pour permettre de ne pas polluée et de ne pas extraire, de recycler l’ensemble de l’eau utilisée, et c’est en cela que nous sommes capables d’apporter de la valeur à ces clients industriels, et donc nous sommes capables de devenir, ce que j’appellerai non plus seulement un prestataire de services, mais un partenaire stratégique pour eux en amont, au milieu et à l’aval de leurs process.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : On a parlé de cette reconfiguration du groupe, il y a des dossiers qui restent, on pense bien sûr à Transdev et à la SNCM, vous avez évoqué un certain nombre de solutions, est-ce que ce dossier peut encore peser pour Veolia dans les prochains mois ? Qu’est-ce que l’on peut attendre si l’on est actionnaire de Veolia Environnement de ce dossier ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Il pèsera dans mon emploi du temps, mais il ne pèsera pas sur les comptes de Veolia. Vous le savez, je l’ai annoncé, Veolia ne remettra pas d’argent dans la SNCM tant qu’une solution définitive et viable de cette entreprise ne sera pas trouvée. Aujourd’hui nous pensons que ce n’est pas le cas, d’abord parce que les amendes de Bruxelles pèsent sur sa tête et qu’un jour ou l’autre elles seront exigibles et que tout argent remis aujourd’hui dans l’entreprise le serait en pure perte parce que le jour où les amendes seront exigibles, l’entreprise capotera. Et puis aussi, au-delà des amendes, nous pensons que le plan qui est aujourd’hui sur la table n’est pas suffisant pour revenir à un équilibre économique. Donc nous pensons qu’il faut changer de plan et changer de stratégie. Si nous parvenons à convaincre qu’il faut changer de stratégie et que si nous trouvons une solution pour mettre la SNCM ou l’activité qui est viable à l’abri des amendes de Bruxelles, il y aura une solution d’avenir pour cette activité de la SNCM, et donc naturellement aussi, d’autres actionnaires, et à ce moment-là, l’évolution du capital de Transdev pour intervenir, comme quoi il n’y a pas à attendre de conséquences financières dommageables de la SNCM dans les comptes de Veolia. En revanche, cela continuera à être une préoccupation importante parce que la volonté de Veolia, c’est bien de se désengager progressivement de l’activité transport de Transdev au bénéfice de la Caisse des dépôts qui y met une condition, c’est que le problème de la SNCM soit réglé et sorte du périmètre de Transdev.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Peut-être pour terminer, si on parle du cours de bourse, cela va plutôt mieux depuis deux ans, alors on est loin bien sûr des niveaux d’avant crise, mais ça c’est… pour beaucoup d’entreprises, c’est encore le cas, on a vu que le non-renouvellement du mandat du groupe Dassault, c’est peut-être un signal pour certains investisseurs qui pourraient se désengager du capital, est-ce que cela peut peser sur le cours du titre ?

 

Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement : Le groupe Dassault a souhaité de lui-même se retirer du conseil, il n’a pas indiqué qu’il souhaitait se désengager du capital, je pense qu’il peut espérer que le cours continue à progresser, et si, au cours des années à venir, nous poursuivons jusqu’à son terme notre stratégie de transformation de Veolia, je pense moi aussi que le cours de bourse devrait monter, et je comprends donc dans ce cas-là le groupe Dassault d’attendre ce moment-là avant de se désengager.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Antoine Fréron d’avoir fait le point avec nous, donc avant votre assemblée générale, je rappelle que vous êtes le Pdg de Veolia Environnement.

© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 23 avril 2014.




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