Il apparaît que le poids ? la naissance a une corrélation avec la santé
? l???âge adulte : les adultes présentant un poids ? la naissance faible
sont davantage prédisposés ? développer un ensemble de maladies,
notamment les troubles cardio-vasculaires, le diabète de type 2, une
réponse au stress défavorable et des problèmes psychiatriques. Lors du
dernier Colloque Médecine et Recherche consacré par la Fondation IPSEN ?
l???endocrinologie, des scientifiques d???Europe, d???Amérique du Nord et
d???Australie ont examiné les influences et les mécanismes qui régulent la
santé f??tale et leurs conséquences ? long terme sur la santé. Ces effets
ne se limitent pas ? l???individu : des modifications épigénétiques ?
l???origine de cette « programmation développementale » peuvent être
transmises aux générations ultérieures. Une meilleure compréhension de
l???impact des facteurs environnementaux sur le développement f??tal, et
les conséquences complexes pour l???individu et les générations
ultérieures est ? portée de vue et pourrait ouvrir la voie ? la
prévention et ? l???intervention précoce.

Cette réunion, qui s???est tenue ? Paris le lundi 3 décembre 2012, a
ouvert la voie ? ce nouveau domaine de recherche en évolution rapide,
qui pourrait déboucher sur une amélioration de nombreux aspects de la
santé tout au long de la vie. Elle était organisée par Jonathan Seckl (University
of Edinburgh, Edinburgh, UK
) et Yves Christen (Fondation IPSEN,
Paris, France
).

Le f??tus se développant dans le ventre maternel peut sembler bien
protégé, mais sa croissance est particulièrement sensible aux influences
provenant de l???environnement externe, en raison de leurs effets sur la
santé maternelle : le régime alimentaire de la mère, le fait qu???elle
soit mince ou en surpoids et son degré de stress. Les études
épidémiologiques ont démontré que non seulement ces facteurs peuvent
influencer le poids du bébé ? la naissance, mais aussi qu???ils ont des
conséquences sur la santé et la survie pendant toute la durée de la vie (Johann
Eriksson
, University of Helsinki and Helsinki University Central
Hospital, Helsinki, Finland
). Les poids inférieurs et supérieurs ?
la normale ? la naissance sont tous deux associés ? une probabilité plus
élevée de développer un éventail de problèmes de santé ? l???âge adulte,
tels que des troubles cardio-vasculaires et métaboliques, des
pneumopathies, certaines formes de cancer et certaines réactions
allergiques, une régulation médiocre de l???axe hypothalamo-surrénalien et
donc de la gestion du stress, la santé génésique et les troubles
psychiatriques (Eriksson; Seckl ; Michael Meaney, McGill
University, Montreal, Canada
; Mark Hanson, University of
Southampton, Southampton, UK
). Pour la plupart, ces troubles
apparaissent ? l???âge adulte, mais certains enfants avec un poids faible
? la naissance présentent des signes de régulation émotionnelle limitée
dès 18 mois (Meaney).

Le stress maternel a un impact important sur le f??tus. Les enfants des
femmes ayant souffert d???un trouble de stress post-traumatique ? la suite
des attentats du 11 septembre ? New York pendant leur troisième
trimestre de grossesse ont présenté des modifications
neuroendocriniennes ? l???âge d???un an, ce qui confirme des observations
précédentes de réponses accrues au stress chez les survivants de
l???holocauste (Seckl). Les glucocorticoïdes, passant de la
circulation maternelle ? celle du f??tus dans le placenta, jouent un rôle
important de médiateur du stress maternel et constituent un facteur
critique dans la programmation développementale (Seckl ; John Challis,
Simon Fraser University, Vancouver, Canada; Caitlin Wyrwoll,
University of Western Australia, Perth, Australia). L???exposition
accrue aux glucocorticoïdes conduit ? une croissance f??tale réduite et ?
une maturation prématurée des tissus. Elle affecte également le
développement du système nerveux, modifie des réponses inflammatoires et
au stress, et prédispose au diabète de type 2 (Challis). Des
niveaux bas d???une molécule connue sous le nom de 11??-hydroxystéroïde
déshydrogénase de type 2 (11??-HSD2), qui régule le passage des
glucocorticoïdes dans le placenta, sont corrélés ? un poids faible ? la
naissance, ? une pression sanguine accrue chez les bébés et ? une
augmentation du cortisol plasmatique chez les adultes (Seckl).
Les souris manquant de 11?-HSD2 présentent également un déficit de la
circulation sanguine dans le placenta et le cordon ombilical, ce qui
provoque l???altération des battements cardiaques du f??tus (Wyrwoll).

Le placenta, qui fait partie du f??tus, constitue le modulateur global
des réponses du f??tus ? l???environnement maternel, et peut donc jouer un
rôle dans la programmation de la sensibilité des adultes ? la maladie (Challis
; Claudine Junien
, UMR INRA ENVA CNRS 1198, Jouy en Josas, France).
Outre la régulation des effets des glucocorticoïdes, le placenta
contrôle le transfert des nutriments de la mère vers l???enfant et répond
aux stimuli externes, tels que les taux d???oxygène et la disponibilité
des nutriments pour la mère. Il produit également une hormone
métabolique, le lactogène, et des molécules qui régulent l???inflammation (Challis).
Des travaux menés sur des souris alimentées par un régime riche en
graisses montrent toutefois que la réponse du placenta n???est pas la même
chez les f??tus mâles et femelles, ce qui conduit ? des résultats
cliniques différents pendant toute la vie entre les deux sexes, y
compris avec les mêmes stimuli environnementaux (Junien).

Les facteurs environnementaux influençant la mère enceinte, en
particulier le stress psychologique, agissent sur le développement du
système nerveux f??tal, avec des conséquences ultérieures sur le
comportement et la santé mentale (Meaney; Louise Kenny, University
College Cork, Cork, Ireland
). Le stress maternel est associé ? un
risque accru de schizophrénie, même si les résultats thérapeutiques
dépendent du moment du stress pendant la grossesse et du sexe du f??tus (Kenny).
Une mauvaise alimentation maternelle conduisant ? un poids anormal ? la
naissance est impliquée dans des troubles comportementaux chez les
enfants, bien que ces troubles puissent être améliorés par des soins de
bonne qualité après la naissance (Meaney). Grâce ? des études sur
des singes macaques, il a été possible de mettre en évidence des
différences d???expression génique dans l???hippocampe, une structure
cérébrale impliquée dans la mémoire et la régulation émotionnelle, dans
la descendance selon que le poids ? la naissance est normal ou faible.

Nombre de ces réponses aux facteurs maternels et environnementaux
impliquent la régulation épigénétique de l???expression génique. Les
mécanismes épigénétiques régulent la transcription des gènes en
protéines, ainsi que le moment et la quantité de protéines produites,
selon les besoins spécifiques de l???organisme ? chaque moment. La
fixation des groupes «? méthyle? » ? des points spécifiques de la séquence
ADN d???un gène, joue un rôle important car elle empêche en général sa
transcription. Les réponses sexuellement dimorphiques ? un régime riche
en graisse constituent un exemple de situation dans laquelle le schéma
de méthylation de l???ADN présente des différences marquées entre les
f??tus mâles et femelles (Junien). L???identification des marqueurs
épigénétiques associés aux poids faibles et élevés ? la naissance
pourrait permettre de déterminer des marqueurs de risque ultérieur. Bien
que ceux-ci soient en place tôt dans la vie f??tale, certains d???entre eux
pourraient se trouver par la suite inversés par le régime alimentaire ou
par un traitement hormonal ou pharmacologique (Hanson).
Toutefois, la cartographie épigénétique est encore une science jeune et
qui nécessite l???établissement de paramètres pertinents (John Greally,
Albert Einstein College of Medicine, New York, USA). La
comparaison des schémas de méthylation de l???ADN dans un type cellulaire
défini du sang de cordon chez des bébés de poids normal, supérieur ou
inférieur ? la normale contribue ? identifier les gènes essentiels pour
la sensibilité ultérieure ? la maladie.

Dans les cellules ?? du pancréas, qui produisent et sécrètent l???insuline,
le retard de croissance intra-utérine provoque des modifications
épigénétiques permanentes, qui augmentent la probabilité de développer
un diabète de type 2 et une obésité. Dans un modèle de restriction de
croissance f??tale chez le rat, un facteur de transcription génique
essentiel au développement des cellules ?? peut être inhibé par des
modifications épigénétiques, renforcées après la naissance et avec
l???apparition du diabète. Des modifications épigénétiques comparables
existent dans les cellules ?? humaines de patients atteints de diabète de
type 2 (Rebecca Simmons, University of Pennsylvania,
Philadelphia, USA
). Des processus anormaux de méthylation de l???ADN
ont été mis en évidence dans des troubles de croissance postérieurs ? la
naissance, au sein de gènes codant pour des régulateurs essentiels du
développement et de la croissance (Yves Le Bouc, Hôpital
Trousseau, Paris, France
). Ces modifications sont présentes ? la
fois dans les syndromes de croissance excessive et dans ceux de retard
de croissance. La prévalence accrue du syndrome de surcroissance chez
les enfants conçus par fécondation in vitro soulève des inquiétudes car
elle donne ? penser que les conditions créées par la fécondation in
vitro pourraient affecter les processus de méthylation.

Un élément particulièrement préoccupant tient au fait que les effets des
événements intra-utérins s???étendent au-del? de la vie de l???individu :
les patterns des marqueurs épigénétiques constitués en réponse ? des
conditions défavorables peuvent se transmettre ? la génération suivante (Seckl
; Mandy Drake
, Queen???s Medical Research Institute, Edinburgh, UK;
Anne Ferguson-Smith, University of Cambridge, Cambridge, UK).
Les mâles et les femelles peuvent tous deux transmettre ces
modifications épigénétiques, même si l? encore, il existe une différence
entre les sexes. Chez les rats, des gènes essentiels sont exprimés ? des
degrés divers dans la descendance de mâles et de femelles qui ont été
surexposés in utero aux glucocorticoïdes (Drake). La transmission
par la lignée mâle est particulièrement intéressante, car elle suggère
qu???une « mémoire » héritée de manière épigénétique est portée par un
processus de méthylation de l???ADN dans le sperme (Ferguson-Smith).

La Fondation Ipsen

Créée en 1983 sous l’égide de la Fondation de France, la Fondation Ipsen
a pour vocation de contribuer au développement et ? la diffusion des
connaissances scientifiques. Inscrite dans la durée, l’action de la
Fondation Ipsen vise ? favoriser les interactions entre chercheurs et
cliniciens, échanges indispensables en raison de l’extrême
spécialisation de ces professions. L’ambition de la Fondation Ipsen est
d’initier une réflexion sur les grands enjeux scientifiques des années ?
venir. La Fondation a développé un important réseau international
d’experts scientifiques qu???elle réunit régulièrement dans le cadre de
Colloques Médecine et Recherche, consacrés ? six grands thèmes: la
maladie d’Alzheimer, les neurosciences, la longévité, l’endocrinologie,
l’arbre vasculaire et le cancer. Par ailleurs, la Fondation Ipsen a
initié, ? partir de 2007, plusieurs séries de réunions en partenariat
avec le Salk Institute, le Karolinska Institutet, le Massachusetts
General Hospital, les Days of Molecular Medicine Global Foundation,
ainsi qu???avec les revues Nature, Cell et Science. La Fondation Ipsen a
publié plus d???une centaine d???ouvrages et a attribué plus de 250 prix et
bourses.

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Le 12ème Colloque Médecine et Recherche de la Fondation IPSEN dans la série Endocrinologie : « Hormones, programmation intra-utérine et santé »

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